Pauvres de nos richesses
L'indignation a choisi son camp. Des voix s'élèvent chez les artistes, les écrivains, les chercheurs et penseurs, même les banquiers. Tous et toutes montrent du doigt l'aveuglement immoral d'un système économique fondé sur l'accumulation des richesses par un petit nombre de profitants. Pendant qu'on rêve en trois couleurs sur nos écrans géants, les minières planifient le pillage de notre sous-sol, les gaz de schiste crevassent les régions et le Plan Nord risque de mettre de côté, histoire de répéter l'histoire, les autochtones.
Faudra-t-il attendre que les ponts s'écroulent pour que le gouvernement décide de réclamer notre juste part? Depuis John Locke, la terre appartient à celui qui l'utilise, qui en tire des fruits. Le problème, c'est que de l'or ou de l'uranium, ça ne pousse pas comme des pommes. Quand les trous peupleront nos paysages, il n'y aura que les déchets miniers pour les remplir.
Dans les régions minéralisables — mot latent pour dire «qui deviendront misérables» —, après la mine point de salut. Les communautés locales, qui accueillent souvent avec trop de bienveillance les compagnies, se retrouvent sans aucun avenir quand ces dernières quittent le territoire dépouillé. Il me semble qu'avec quelques milliards en poche, il existe des moyens d'assurer un avenir plus brillant pour les enfants qui naissent dans le bruit et la poussière. Une ville comme Malartic devrait recevoir directement des redevances afin de lui permettre de bâtir dès maintenant des projets structurants. Elle serait ainsi en mesure d'organiser un renouveau et de retomber sur ses pattes après ce cinquième boom minier. Avec l'autonomie viennent la fierté et l'appartenance. Il faut agir dès maintenant pour éviter l'exode et le vide.
Partout où le profit se cache dans la terre, des conflits prennent racine. Quand ton voisin travaille pour la «compagnie» qui pollue la rivière où tes enfants se baignent, les partys barbecue sont rares. Les mégaprojets fissurent le tissu social de nos petites villes et de nos villages. La fracturation sera longue à cicatriser et elle perdurera bien longtemps après l'épuisement de la ressource. L'intimidation arrive tôt à la porte de ceux et celles qui osent mettre en doute certains aspects de la manne financière annoncée. Encore une fois, quand les néocolonisateurs auront ramassé leurs clics et distribué leurs claques, il ne restera que deux clans défaits pour constater les dégâts. Le retour de la convivialité doit devenir une priorité, et reprendre les devants par rapport au discours «survéhiculé» du niveau de vie à tout prix. À quoi ça sert un «ski-doo» neuf quand tu peux plus éviter les mégatrous pis que t'es tout seul pour en profiter?
Toute grande révolution a d'abord un visage hideux. C'est Nietzsche qui a dit ça, je crois. Eh bien, le Plan Nord doit vite être démasqué. Nous avons un territoire magnifique, presque magique et pur, qu'il nous faut mettre à l'abri des erreurs qui sont devenues des standards. Il appert que ce grand territoire nordique a été l'habitat de nos prédécesseurs amérindiens. Les visées impérialistes de notre gouvernement devraient s'arrêter là où nous aurons, une fois pour toutes, compris et admis la sagesse des pensées autochtones. Pourquoi ne pas saisir la chance d'établir un vrai dialogue? L'occasion d'innover et d'être modèle en occupant véritablement un territoire au lieu de le spolier?
Nous sommes intoxiqués par le discours numérique. Le boom économique n'a qu'un temps. Celui d'une explosion dangereuse. À nos enfants, je souhaite tout leur temps.
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Nicolas Paquet, réalisateur du documentaire La règle d'or, sur l'exploitation de la plus grosse mine d'or à ciel ouvert au Canada, à Malartic, en Abitibi