Pour que la vie continue

Publié le par la freniere

J’écris pour que la vie continue même si je me morfonds dans ce trou noir qui avale tous les peuples qui s’obstinent à ne pas relever la tête. Ces petits peuples qui fascinent tant Gérard Bouchard, ils sont peut-être la réponse aux folies des grandes puissances. J’écris pour secouer une langue menacée et frileuse. Je me gave des souffles de la neige et des éclats des bleuets. Je me sais le frère du Palestinien arraché à sa terre, du Tchéchène que l’on chasse comme de la vermine dans les rues de Grosny. Je marche, je respire, je ris avec ces hommes et ces femmes démunis et invisibles. Nous sommes si nombreux dans l’indifférence du monde à ne pas avoir de visage, si nombreux à tourner dans l’errance et l’insignifiance. Je suis le réfugié expulsé de sa terre en Afghanistan, au Rwanda, en Chine et au Tibet. Je suis l’ombre dans les actualités télévisuelles. Je me nourris du froid, des pelures du soleil et m’enfonce au plus profond de mon enfance pour débusquer des images, pour raviver la flamme et inventer un village réel et fictif. Je me régurgite chaque jour, rêvant que plus loin, plus tard, dans un rire ou par hasard, nous serons rejetés à la face du monde comme ces pays qui sont redevenus visibles après le démantèlement de L’Union soviétique. Écrire, c’est forger des lendemains qui font du vent sur l’âme. Il suffit de s’accouder aux phrases et de prendre son temps. C’est le travail de toute une vie.

 

Yvon Paré

Publié dans Poésie du monde

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