Quart de nuit
Dieu des mares, des marées, des mers et des marins,
relevez en douceur celui-là qui, tombé
dans le cordage des jours et des nuits sans sommeil,
a conduit sans faillir le bateau à son port
dans la baie des étoiles. Il a fini son quart
d'errance et de grisaille et repoussé l'assiette
du monde, rangé la terre, l'eau, le vent avec
l'irréductible poésie et le voici
ayant passé le cap de la désespérance,
bouche à bouche avec la tourbe de ses coupeurs
en Drente, et lavé du souci, de deux mille ans
d'attente et de mélancolie. Ecce homo,
il a franchi enfin le pas de l'horizon
et marche sur la mer, et ne s'étonne plus
de comprendre son chien qui trotte à ses côtés.
Lui qui veillait sans cesse à la proue de la terre
dort à présent de tout son long puisqu'il connaît
la rive où les aveugles voient, et qu'il ait dit
adieu cent fois dans ses poèmes n'empêche plus
qu'on lise : bonjour, et que la terre soit belle
et les vallées en paix pour chacun d'entre vous.
Guy Goffette