Trois minutes
Vous avez trois minutes
Trois petites minutes
Il vous reste trois petites minutes à vivre
A respirer, à humer l’air
A regarder la beauté autour de vous
Trois minutes pour se dire
Avec des mots d' une tonne chacun :
JE SUIS VIVANT
On ne vous donne que trois minutes
Pour livrer un poème
Trois minuscules minutes.
La poésie est votre vie
Vos poumons sont deux poèmes remplis de souffle
Vous respirez la poésie
Vous ne vivez que pour la poésie
Et on vous donne trois minutes à vivre
A créer des syllabes, des sons
La parole ultime
La dernière qui accompagnera votre souffle
Trois petites minutes pour trouver les mots
Qui résumeront tout
180 secondes qui vous paraîtront selon le point de vue
une éternité ou l’orgasme le plus court de votre vie
trois minutes
le cinquième d’un quart d’heure de gloire
selon Andy Warhol
trois minutes
quelque chose comme une punition
lors de la finale de votre coupe Stanley existentielle
trois minutes
pour mettre votre âme à nue
et disparaître comme par magie
dans les poches de l’homme invisible
il vous reste trois minutes à vivre intensément
que trois petites minutes ridicules
vous avez envie de crier de chanter
de respirer de l’hélium et de parler à la vitesse de l’éclair
vous avez envie de prendre la position du lotus
vous avez envie de casser toutes les montres et toutes les horloges
vous vous dites que c’est ainsi qu’on tue la poésie
et qu’on range la parole dans son baise-en-ville
dans sa sacoche en cuir traité
vous avez trois minutes pour mourir dans vos mots
trois petites minutes de musique en fade-out
pour perdre la face le front les fesses et tout le reste
trois minutes pour naître dans la non-poésie
pour retourner au silence
pour retourner le silence
et lui flatter le ventre comme un crocodile
qui a perdu ses dents
trois minutes pour défaire les nœuds scouts de la vie sociale
et gagner les terres vierges de l’inconnu
Guy Marchamps