Tête en l'air
J'ai des mots plein la tête
Tout ce que je vois devient des mots
Ça se télescope, s'entrechoque
À peine des phrases des fragments gravés sur du vent
Quel charivari ! Paf ! Boum ! ! Je mets de l'ordre dans mes images
Un peu de discipline (ah mais !)
et je découvre sous les tapis de drôles de mots
leurs valises encore à la main,
pleines de visions clandestines
Sur le quai 9 ¾ des métaphores
ils font de moi un cheminot et voilà,
je plonge ma pelle dans le charbon-couleur de leurs envies
Ou peut-être que ce sont les images qui portent des mots dans leurs bagages ?
Ah je ne sais plus
Mes souvenirs mélangent tout en une ritournelle obstinée du compositeur
brouillon de la vie qui va
Alors je note
Soigneusement
je consigne de la pointe de l'esprit les fariboles du destin
les lavis délicats du quotidien
le grand jeu en technicolor des tempêtes sentimentales
la fantasia des émotions et je m'amuse
Tous ces émois en vingt-six lettres
voilà une mathématique qui m'épate
Le vécu, ligne après ligne et ça court,
ruisseau, rivière, allez, même des fleuves !
jusqu'à la grande mer dont le littoral a une perpétuelle allure
de frontière entre peu et beaucoup
Me voici hors de moi,
très loin très loin
Je me retourne et sur la grève
tous ces mots-galopins ont dessiné la forme de mes pas
(mince alors !) C'est moi tout ça ?
il y a le talon et les cinq orteil
s et ça sautille partout
Tous veulent une place dans le texte même
les petits orteils se veulent un brin poète
– qui l'eut crû ? –
Je crois qu'ils ont peur,
tout seuls dans le clair-obscur de mes pensées
Au fond, j'ignore qui mène la danse
et je m'en fiche un peu
C'est la Strada
Le rythme tendu de la vie qui va vite et lent
et fort sur un air de trompette
Je me laisse emporter en respirant un tourbillon insensé et,
scribe fébrile, j'écris sans cesse
Je vis j'écris d'un seul et même geste
Leila Zhour
https://www.facebook.com/LeilaZhour/?fref=ts