Au milieu du désert
J'avance vers chacun
avec des mots qui frappent,
des mains qui apprennent,
des gestes fous
dans le vent des caresses
les ongles des morts
qui continuent de pousser,
des gants d'épines
sur une peau trop tendre
et le blues des Noirs
dans le coton des Blancs.
Je couche avec la mer
et sa pensée sauvage,
les ronces dans les fossés,
les rats dans les caves,
les araignées du soir
dans les greniers en feu,
les bâtons dans les roues.
Je descends dans l'ornière
comme un poing qu'on écrase,
comme une femme qui dort
avec les cuisses ouvertes
pour accueillir le rêve.
Je cours avec les fous
pour boire à genoux
la rosée des étoiles.
Je couche avec la mort.
Je dors dans ses linceuls
au milieu de l'humus,
l'âme vêtue de chair
dans la boue des limons,
dans la fange et l'affront.
Je porte sous ma peau
le squelette du premier homme.
Je porte dans les yeux
le regard des insectes
surplombant les abîmes.
Il n'y a plus de miracle
dans les vestiges du réel
seulement des mirages
dans les vertiges du rêve.
Au milieu du désert
j'apprends à boire mes larmes.
Jean-Marc La Frenière