Des miettes de pain
Qui jette des miettes de pain aux oiseaux de malheur? L'enfance ne joue plus avec des cailloux et des boites de conserve. Elle ne joue plus à la marelle, aux billes, à la corde à danser. Elle ne dort plus sur des tapis d'aiguilles de pin. Elle ne fait plus de radeau en planches vermoulues. Elle ne cueille plus de limaces, d'écrevisses, de sangsues. Elle n'écoute plus la scierie des cigales. L'amitié des plantes se perd dans les tablettes numériques. Rivés sur un écran, aliénés par le fric, absents de leur vie, agglutinés sur la toile sans voir l'araignée, les hommes d'aujourd'hui h@shtag de plus en plus souvent. Le sordide et l’infâme côtoient le rire des fantômes. Recroquevillé sur une chaise, courbé sur un cahier, je voyage très loin, crachant des mots sur du papier. Je tousse des poèmes dont je cherche le sens. Quand on écrit avec les tripes à l'air, c'est l'âme qui s'enrhume. L'écriture se nourrit de ses échecs comme l'homme des siens. Comme tout mécréant, les églises m'attirent. Je ne cherche pas Dieu mais le sacré des éléments. Loin des rayons laser, je bricole ma vie avec du fil à plomb. La main qui tremble sur la page, c'est le ventre et le cœur, les viscères et le sang, les cicatrices mnémoniques, l'enfance où je cueillais des mûres. Avec des phrases couchées sur un lit d'amertume, on n'écrit pas sans désespoir. Les mots ne coïncident jamais vraiment avec ce qu'ils désignent. C'est dans la différence qu'on écrit. C'est dans l'indifférence qu'on poursuit.
Jean-Marc La Frenière