Jusqu'à mordre la mort

Publié le par la freniere

Le manque d'argent, le manque de temps, le manque de tout n'empêchent pas la bonté. Tant qu'il y aura des bombes, tant qu'il y aura des tombes, tant que l'argent domine, la chair de poule habillera le squelette des mots. Luisant sur l'eau du lac, un insecte ventre en l'air recroqueville ses ailes. Sa noyade est celle d'un vivant. La mort d'un autre nous force à vivre. Lorsque l'on naît, est-ce pour toujours? Lorsque l'on est, c'est pour savoir pourquoi. Lorsque l'on vit, c'est pour jouir et souffrir. Je note ce que rature le silence, la peur du sang, un amour inconnu, les larmes refoulées, la chaleur et le froid, la patience des arbres, la joie et la souffrance, le sourire d'un loup, l'enfance qui persiste à travers les années et le désordre des pensées. L'égarement nous rapproche, la peur des orages, les souvenirs d'enfance, le sang du rêve dans le cœur du réel. La plupart de mes amis d'enfance sont entré dans les affaires. Je suis resté seul sur le bord de la route, le pouce indiquant l'infini. Je l'ai trouvé parfois dans les bleds perdus, rarement dans les villes, jamais dans les vitrines. Installés dans un rôle, les gestes ne sont plus que ceux d'un automate. Malgré le poids des choses et la douleur du temps, la beauté des âmes reste légère, légère comme le feu et l'eau, les feuilles tremblant au moindre petit vent. Ce que l'homme salit, son âme l'embellit. Il faut du temps pour le comprendre. Il faut de la lenteur, de l'empathie, du cœur. Il faut du vent, des rivières, des bêtes, l'odeur des corps qui nous frôlent, le poids du monde sur les épaules, cette part d'inconnu où flashent les lucioles. Le ciel saigne un peu au lever du soleil. Comme issue de la brume, la lumière de l'aube caresse les collines. Les arbres au garde-à-vous attendent les oiseaux pour rire de nouveau. Les années passent entre les mots. Le temps s'attarde à bout de souffle. Terre et ciel se mélangent dans la couleur de l'encre. Offrant ma vie aux rêves des enfants, donnant ma voix aux pauvres, aux fous, aux vieillards, je deviens l'un des leurs. Quand l'horizon se dérobe de mirage en mirage, cherchant le sens de la vie, les mots s'ajoutent à l'équation du monde. Il arrive qu'on écrive jusqu'à mordre la mort.

Jean-Marc La Frenière

 

Publié dans Prose

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F
merci !
F
tout simplement magnifique ! j ' ai immortalisé quelques passages sur mon précieux carnet !