La géométrie du coeur
Dans le monde dont je rêve, les parallèles s’entrecroisent. La géométrie du cœur ignore les abscisses. Le minéral se mêle au végétal. Un bonheur fou caresse le chagrin. Les lignes du temps épousent les signes de l’espace. Un bout de crayon rabiboche les phrases. Le haut et le bas, la rivière et la source, la terre et l’air finissent par se toucher. Un congrès de moustiques bivouaque au jardin. La brume se défroisse au lever du soleil. J’habite dans un livre d’enfant, du maléfique au mirifique. Les nuages caressent la cime. Les rives se conjuguent au singulier. La vie est une langue, la langue de l’enfance, la langue de l’amour, la langue du pain et des outils, la langue du rêve et de la pluie, la langue de l’énergie, des oiseaux et de la terre. Je ne vois plus ce que je veux devenir, mais je regarde qui je fus. Je veux ouvrir le rêve avec ma propre clé, mêler le corps du songe avec le corps du sang, marier les incidences avec les évidences. Ma valise contient des mots, les clous rouillés du monde et des larmes de cendre. La rosée, la résine, la goutte d’eau forment de petites bulles de vie. Les mots m’ont appris que nous sommes la vie. Les personnages des photos s’inaniment. Ceux des peintures bougent encore. Il n’y a que l’amour qui mette à la vie la taille de l’imaginaire. Pour le reste, j’essaie d’en rire. C’est peut-être par choix que je suis devenu peu de chose, par dédain du pouvoir.
Jean-Marc La Frenière