Nostalgie sourde

Publié le par la freniere

 …Pouvoir t’oublier rivière des Métis

Sainte-Angèle et tout le Bas-fleuve

qui coule atrocement dans mon âme

j’étais née pour m’accouder sans ambages

au flanc des montagnes

dans les soleils de cuir et le vent des bouleaux

j’étais née pour d’humbles camarades

identiques à mes châteaux d’Espagne.

 

Je veux vous redire dans ma langue de déracinée

que votre ciel et tous vos noms

ont chu dans ma mémoire

ma solitude s’est comblée de souvenirs jaunis

et quand j’avance frelatée

à travers rues et ruelles de cette ville à pacquage

c’est à vous que je pense

Bas-fleuve de liberté de blanc silence

j’ai beau me morfondre

embrasser l’homme-frère dans la foule serrée

un rien de nostalgie nous disloque nous sépare

et nous met en charpie…

 

Je suis née comme j’ai pu dans un frisson d’avril

en plein éboulis de neige

la souffrance plantait ses crocs

qui saura jamais le prix des accidents mortels

 

Tâter le pouls de la race humaine

m’enrôler dans cette horde matérialiste

de clinquant et d’ordure

m’acclimater m’acclimater

mais j’ai peur que mon rire de flammèche encor vivace

décime détruise

crée au sein de ce bal chahutant

une esclandre de casseurs de veillée.

 

Gemma Tremblay, Poèmes d’identité, Jean Grassin éd., Paris

 

Publié dans Poésie du monde

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