En silence habité
Tu m'as donné deux fois la vie, un matin de septembre quand sonnait la sirène du marché sur la place du village, puis, quand lisant mon premier poème tu m'as dit : "Continue ma fille…". Maintenant ma mère est ailleurs, en silence habité. Elle a depuis longtemps fermé son nom, sa voix, comme on ferme une page et la porte derrière soi. Elle a laissé quelques images, pierres blanches qui veillent et allument la route : du pain émietté pour nourrir les oiseaux, les battements de l'âme sous ses paupières closes, sa passion des mots, de la musique, des fleurs, et son amour du jardinier. Elle a laissé bien plus, que je découvre encore lorsque les heures se taisent. Absente légère, je ne sais où elle est, mais je sais qu'elle y est. Entre deux plumes d'ange et les eaux vertes de la Sorgue, assise sous le grand platane qu'ils ont coupé parce qu'il était trop vieux, je l'entends encore me dire "Continue ma fille"…