Rugir
Le ciel renouvelle ses eaux, s'arrête pour mieux les compter, et recommence. Le ciel est en travaux pratiques. Debout au seuil du vide, c'est à toi que je parle, que je ne connais pas, que j'espère du fond de la caverne. Je te cherche, je te crie, je t'appelle. Nettoie les avoirs, les pillages, les hideurs. Arrête les agitations, les verbiages, les illusoires rassemblements, les réseaux de basses-cours, les discours menteurs, les sentences insensées, les égoïsmes barbares, les suffisances mortelles. Libère la respiration primale, la parole nue, la silencieuse, la pudique, l'exemplaire qui sonne clair comme un bol tibétain. Lave la vie aux hautes sources, conduits à l'indivisible. Et si je ne te sais, si je ne sais t'entendre, laisse rugir ton silence, l'écho sacré.
Parfois le train des douleurs percute le quai paisible où l'on croyait le temps arrêté
Parfois un conducteur irascible le convoyeur des enfers enfonce le fer et le feu dans la vie
Parfois le certain des fleurs et l'odeur des matins tranquilles bascule
et mon impuissance est un couteau amer dans l'épaisseur du jour
Jean-Michel Sananès à propos de "Rugir"