Salut vieux pirate
Poème écrit il y a une trentaine d'années au suicide d'un ami
à Olivier Bédard
in mémoriam
Avec mon cœur mal garé dans une ruelle triste
à Saint-Montréal-du-froid,
encore plus égaré
en cette fin d'hiver d'un Québec pourri,
la soif entre les dents comme un signal d'alarme
Je pense à l'Olivier, ses nids devenus vides,
sa tête de feuilles rousses, ses bras d'arbre blessé.
Il est parti sans dire un mot
rafistoler les cœurs brisés dans la splendeur de l'inutile
avec ses jeux de fous mettant le feu aux joues,
ses jeux de mots, ses jouets de papier,
son diplôme en niaiseries, ses cossins, ses outils,
ses derniers coups pendables, ses derniers feux magiques,
sa catapulte à sourires au mince goût d'écorce.
Mes mots portent pour lui toute la douleur du monde
comme les vieux portent sur eux des cicatrices de mémoire.
Il est parti sans dire un mot un goût de ronces dans la bouche,
un goût de rouille et de dégoût dans la nuit blanche des aveugles.
Toutes les olives sont sèches sans sa tendresse de rebelle,
sa peau d'ours mal léché cachant un cœur d'enfant.
Il est parti sans dire un mot un temps de poudre blanche,
un temps de balles noires dans la nuit blanche du dépit,
un goût d'orties désespérées dans la nuit rose de son cœur,
un temps de chien couché dehors et d'amours mis au clou.
Il est parti sans dire un mot avec ses pyramides à remonter le temps
dans sa soif d'absolu comme un regret de source.
Salut vieux pirate
puisse ta mort rapprocher les vivants
dans le parfum fragile de l'écoute
et la brûlure de vivre.
Jean-Marc La Frenière