Ma voix d'aujourd'hui
Je vous parle de si loin
D'entre les hautes herbes du temps
D'un jardin dévasté par les bombes
Parmi les cendres de oubli
Je ne sais pas si vous m'entendrez
Ma vie ressemble à s'y méprendre
À un champs de mines de crayons
J'écris l'absence et la désillusion
L'amour traqué sans feu ni lieu
D'un monde ayant peur de son ombre
Qui se souviendra de moi
Lorsqu'il n'y aura plus rien
Je siffle comme un merle crépusculaire
Sur la couronne d'un arbre foudroyé
Je m'égosille le bec tendu vers le ciel
Sans l'espoir même d'une réponse
Les derniers feux du soleil violacé
Ondoient au milieu de la rivière
La forêt déjà noire se rapproche de la berge
Avec la lenteur d'une barque à la dérive
Je vous parle et vous écris
D'un paradis anéanti
Où au jour le jour jadis
S'acomplissaient les rituels des saisons
Comme je souhaiterais que vous sachiez
L'endurance villageoise les danses des moissons
La cuisson ardente du pain sous les pierres
Les pêches miraculeuses dans des récits sans fin
J'écris ce qui ne sera plus
Avant de me taire pour toujours.
André Chenet