Au bout des mains

Publié le par la freniere

Au bout des mains

Il y a au bout des mains des doigts qui éclosent en caresse ou en poing, le jour dans le jour, la nuit dans la nuit, la chose dans la chose, la bêche ou le stylo, le colt ou le stylet, la coke ou l’eau d’érable, la plume ou le marteau. Il y a l’âme dans l’homme, le cœur dans l’amour, la graine dans la terre, la fleur sur sa tige, l’amande sous l’écale. La beauté n’est rien sans les yeux pour la voir. Je tape sur un clavier comme un musicien qui joue par oreille, un peintre qui se mélange les pinceaux, un loup qui hurle au soleil, l’homme qui glisse sur une tache de graisse, celui qui se frappe la tête contre les murs, celui qui cherche sans trouver, celui qui trouve ce qu’il ne cherchait pas.

Même si on les ignore, les mots se souviennent de nous. Les mots sont des images de papier. Leur force vient du silence, leur énergie du cœur. La noirceur de l’encre barbotte sur la blancheur des pages. Je vis dans une cabane de phrases, une remise à mots. Je pousse une brouette verbale. Entre chaque frontière, il n’y a que les anges et les oiseaux qui passent sans montrer de papier. Rien n’empêche les fleurs de pousser entre les tombes, les graines de germer sous le béton, les outils de réparer les choses, les doigts d’écrire des mots, les mots de faire des phrases.

Il y a langage au bout des doigts, des mots entre les lèvres, des heures humaines dans l’horloge du jour. Les sens s’éveillent dans les bois. Les graines éclosent dans la terre. Le soleil et l’eau se rencontrent dans le prisme de l’arc-en-ciel. Je m’émerveille des nuits qui tombent, des jours qui montent, des pieds qui marchent, des bouches qui embrassent, des bras qui enlacent, des yeux qui voient, des mains qui croient, des plantes qui croissent, des mors qui se croisent, des alphabets noués aux métaphores.

Je tourne sur ma faim comme un loup solitaire. Je chante comme un oiseau muet, une fleur sous la dent, le sel du silence dans la soupe verbale, un jeu de ficelles dont s’amuse l’enfance, l’histoire à cheval sur l’homme, la peau des testicules, le regard des fous à travers les barreaux, le noir des égouts dans le dégout de tout, la mort entre les jambes. Le temps brûle à petit feu, seconde par seconde.


Jean-Marc La Frenière

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