La peau des moutons noirs
La peau des moutons noirs ne se laisse pas tondre.
Des oiseaux vocalisent près des pierres tombales.
Des fleurs éclosent à l’ombre des menhirs.
Des papillons s’accouplent sur la pierre des dolmens.
La langue bouge dans la grotte buccale
où la salive lubrifie les stalactites des dents.
Les mots s’éclairent à l’encre noire.
Chaque pas nous conduit vers la fin.
Chaque marche d’escalier nous mène vers le haut.
Chaque barreau de prison nous sépare du monde.
Chaque battement du cœur réunit les hommes.
Chaque moulin à prière moud une farine de haine.
Les regards des meurtriers s’allument dans les yeux des victimes.
L’esclave s’unit au maître comme le bien au mal.
La justice nous arrache la langue
mais son moignon frétille dans le ruisseau des pages.
Resté seul dans une église
je ne savais plus qui prier.
J’ai prié l’homme et les oiseaux
pour l’araignée tombée dans le bénitier.
J’ai mangé la foi et craché les pépins.
J’ai fait du pain avec le blé
et du saké avec le riz.
J’ai fait de la soupe avec de l’orge
et de l’alcool de bière.
J’ai fait des phrases avec des mots.
J’ai fait des livres avec rien.
La lumière s’allume quand le soleil se couche.
Le monde se cache derrière un mur,
laissant du sang sur les barreaux,
des cicatrices sur les mains.
Quand on nous coupe la parole
son moignon de langue frétille dans la gorge.
Chaque mot sur la page en cherche d’autres
pour trouver du sens.
Chaque ligne de la main trace une route.
Chaque main qui manque,
chaque doigt qu’on écrase,
chaque jambe qu’on ampute
nous font encore souffrir.
Je cherche le sens entre les choses.
Je sèche les larmes des enfants.
Je lèche le sang sur la blessure.
Chaque geste est une partie du corps.
Chaque mensonge côtoie la vérité.
Chaque seconde cherche l’éternité.
Jean-Marc La Frenière