Les timides (Mexique)

Publié le par la freniere

Je préfère parfois la flamme du brûleur dans le poêle
    à un feu flamboyant.
Les timides se cachent dans le brouillard
mais ils aiment le soleil solitaire d’un banc tranquille.
Où, en quel lieu, se repose le mieux leur timidité ?
Dans les jardins de l’hiver ou dans les parcs en avril ?
Quel est le mois des timides ? Quelle est leur heure ?
Je suis attiré par les habitudes des timides,
leur façon précautionneuse de marcher, leur cou
    crispé quand ils entrent,
leur repos à l’ombre des regards du prochain, leur
    propreté, leur nervosité.
Le temps des hommes ne gagne pas contre le
    rougissement des timides.
Ils trébuchent par délicatesse, parce qu’ils sentent
    que tout est vivant, par excès de scrupules.
Comme ils sont amoureux de la rigueur, ils
    manquent de confiance;
De profil, ils sont les explorateurs des centimètres.
Devant les portes, ils perdent le peu d’assurance
            qu’ils ont,
ils sont la conscience des seuils et des frontières.
Ils ouvrent la bouche en silence comme les poissons
    cherchent l’oxygène à la surface d’un étang
et leur langue est un hameçon d’incandescence et de
            pudeur.
Ils demeurent dans l’enfance et dans l’adolescence;
leur délicatesse n’est pas usée par l’âge;
une fois vieux, ils peuvent rougir de leur propre
            mort;
tout comme ils le font, malgré leurs cheveux blancs,
devant un étranger ou un regard féminin.
 

Antonio Deltoro  Constance de l’étonnement, Écrits des forges

Traduit par Émile et Nicole Martel

Publié dans Poésie du monde

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