Louis Geoffroy

Publié le par la freniere

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je suis un poème engagé
conquistador de petites ruelles
aux asphaltes mouillées de sperme et de larmes
aux pignons rouges sur toits
et aux regards de crapauds voyageurs

Louis Geoffroy, Graffiti

Né le 13 septembre 1947, Louis Geoffroy mourut le 7 octobre 1977 dans l’incendie de son petit appartement de la rue de Bullion. Il venait tout juste d’avoir trente ans. Il s’était endormi une cigarette allumée entre les doigts et, se réveillant au milieu des flammes, tenta en vain de ramper jusqu’à la porte. On le retrouva étendu dans le corridor.

Triste période : outre qu’il laisse orphelines deux petites filles (7 ans, un an et demi), il semble impossible de penser à cette tragédie sans l’horreur et la souffrance de Geoffroy rampant à demi asphyxié, luttant pour sauver sa peau ; la scène n’est pas non plus sans un certain pathétique : trop romanesques, ces fatales piles de journaux dans tous les coins de l’appartement - ma documentation, disait l’auteur - comme une prémonition, trop romantique cette mort prématurée du poète, à la limite un mauvais calembour (Je n’aime vivre qu’à condition de brûler, disait Bataille, et Geoffroy à sa suite).

L’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort. Cette phrase de Bataille (qu’il citait souvent, elle aussi), comme la sanction de son destin : la fin en queue de poisson d’une oeuvre trop tôt avortée, certes, mais jusque dans la mort, dans la tragédie de sa propre mort, l’approbation, l’amour et l’enthousiasme de la vie, de tout ce qu’elle offre de beau et de laid, furent l’essence de la vie et de la poésie de Geoffroy. Je ne saurais trop expliquer pourquoi, mais il me semble impossible d’imaginer Geoffroy sans son éternel sourire (sur toutes les photos, le sourire), même à travers les flammes. Sans doute pensait-il à l’éternité. Et en ce sens, Marc-Aimé Guérin, dans un petit entrefilet paru récemment dans Le Devoir à la mémoire d’André Goulet, se plaisait à imaginer l’imprimeur d’Orphée en compagnie de son ami Geoffroy dans l’au-delà, en quelques bacchanale. Impossible d’imaginer Geoffroy sans la joie qui vit dans tous ses poèmes, la joie qui l’animait.

Mais aujourd’hui les choses ont bien changé, et trop souvent l’enthousiasme et la joie sont dévoyés en idéalisme utopisant ; attitude qu’on appelle « sens des réalités ». Les choses ont bien changé depuis les heures glorieuses de la contestation généralisée, mais je ne peux m’empêcher de rêver qu’elles auraient pu tourner pour le mieux lorsque je lis ce que Geoffroy et quelques-uns de ses contemporains ont écrit et pensé. Et voilà sans doute l’intérêt d’y revenir : pour moi et ceux de ma génération, une idée de ce qu’est l’engagement ; pour ceux qui nous précèdent, se souvenir, entre deux cubains, d’un temps où la putasserie n’était pas un mode de vie. Qu’on ne juge inconvenante cette parabase inopinée j’ose croire que Geoffroy ne s’en offusquerait pas, qui écrivait un jour de la première personne du singulier qu’elle est la seule existance, la seule permettant aux autres de se formuler, qu’on ne me tienne trop rigueur de mes (puérils) états d’âme, mais je ne voudrais pas que mes ancêtres blasés, dévoyés, pourris de tout ce que jadis ils dénonçaient, s’imaginent que le sourire sur la gueule de Geoffroy n’est pas différent du leur lorsqu’ils relisent tout ça : les appels à la révolte, Pierre-Paul Geoffroy, les Black Panthers, l’enthousiasme (au XVIe siècle, l’enthousiasme était une folie, une « fureur », le dieu qui s’empare du poète pour prendre la parole : en-theos, le dieu en vous), et qu’ils se marrent sans vergogne, que fusent les « folle jeunesse », les « qu’on était donc naïfs ». Et j’ose croire encore, on rira certes, bien que personne ne puisse formellement me contredire là-dessus, ou à tout le moins je soutiens qu’il y a espoir que Geoffroy ne se serait pas laissé embrigader comme d’autres, et donc que la mort vaut parfois mieux que la désillusion (peut-être en ce qu’elle laisse subsister la joie et l’espoir, justement). Voilà. Et je m’efface derrière la parole de Geoffroy.

Tout d’abord, une parenthèse tirée de « Me and you », prose inédite de l’auteur : l’art, le jazz surtout et l’érotisme et la sexualité ont aussi en commun qu’ils sont et doivent être constamment insurrectionnels. Dans cette courte phrase, Geoffroy nous dévoile les trois grands axes de sa poésie, qui s’y trouvent constamment et inextricablement emmêlés : le jazz (et l’art...), l’esprit révolutionnaire, insurrectionnel, et l’érotisme.

(Bien sûr, il n’y a rien là de bien extraordinaire, en pleine révolution sexuelle, aux heures glorieuses du F.L.Q. ; pour l’époque finalement... Moi, je suis né avec elle mais je ne l’ai pas connue personnellement. Un peu comme un père absent, pour rester dans les clichés.)

Geoffroy fut ce que l’on pourrait appeler un spécialiste du jazz, mais sans doute le terme d’amoureux conviendrait-il davantage. (On ne dirait jamais « spécialiste de la vie ».)

Ses premiers textes qui nous sont parvenus témoignent de cette précoce et durable fascination pour le jazz qui naquit, semble-t-il, en même temps que son intérêt pour la poésie et ses premières tentatives scripturaires. En 1963-64, soit l’année de ses 16 ans, Geoffroy est pensionnaire au Collège Bourget de Rigaud et correspond avec Raymonde Gingras dont il est amoureux ; entre deux poèmes, il lui fait part de ses nouvelles découvertes musicales et de ses premières frasques saxophoniques. Quelques poèmes de cette période précoce nous sont donnés à lire dans son second recueil, Graffiti (1968), écrit à partir de 1962 :

Liberté je cours après toi Liberté aux
yeux comme des cheveux noirs aux cheveux comme la
poussière sur la ville
aux lèvres comme un be-bop rouge au
corps comme la
Liberté
pour piétiner les prisons
Liberté je cours après toi
zut

Comme toujours chez Geoffroy, et les années n’y changeront rien, déjà le jazz se trouve étroitement lié au combat pour la liberté, à tout ce qui, en fait, donne un sens à la vie. Empire State Coca Blues, l’un de ses recueils les plus importants (si on en juge par les articles critiques qu’il suscita), bien que publié en 1971, regroupe des poèmes de la même époque (1963-1966) teintés très fortement de jazz (noir) : un voyage à New-York, alcool et drogues, débordements sexuels, univers d’extases et d’extrêmes.

Par ailleurs, ses chroniques de jazz à Hobo-Québec (de 1972 à 1974, et intitulées « Mi Bémol ») ainsi que de nombreux textes inédits nous livrent diverses réflexions sur le sujet, comme Praxis 1, discours sur l’origine et les fondements du jazz, musique de tous les temps et de toutes les époques :

la première constatation à faire est que le jazz est la musique
créée par des esclaves et que tous les hommes sont des esclaves
que la vie est un esclavage et que jazz musique de l’esclavage
implique jazz musique de la vie.
(...)
la première forme de jazz fut donc l’homme des cavernes tapant
de toute sa force humaine sur un tronc d’arbre pour avertir la
tribu amie de la présence d’un monstre qui les rendait esclaves
de sa peur de sa condition d’existence puis avec la découverte
du son aigu sortant d’un roseau - l’homme souffle dans le roseau
pour se distraire pour oublier pour se reposer pour essayer
de faire quelque chose de beau de s’instinctiver jusqu’à ce qu’un
con parmi les Grecs ou les Assyriens - lorsque la civilisation
occidentale paraît - s’empresse de crier haro sur l’homme des
cavernes et à snober l’instinct.

Cette définition rousseauiste du jazz le consacre en quelque sorte état de nature de la musique, de la seule vraie musique, celle qui prend naissance dans l’instinct, dans les pulsions de l’homme, dans sa spontanéité, et que vient enrayer (ou cherche à enrayer) la civilisation, la musique se faisant ici acte de subversion et également symbole de ralliement de ces peuples qui subissent la civilisation des autres. L’insurrection y est également présentée comme étant essentielle à la naissance de la beauté, de la joie, comme un rejet de la peur, elle-même l’apanage de la civilisation et comme une violence faite à l’instinct. Le jazz occupe donc une place essentielle dans le processus de création artistique, lui-même indissociable, en ces années troubles, d’un projet social et révolutionnaire.

Le 18 juillet 1968, Geoffroy écrit à Patrick Straram qui se trouve en Californie :

j’écris depuis huit ans, je joue du saxophone depuis trois ans
(et je joue mal ce qui me fait vraiment mal) et je vis depuis cette
époque (...). mon écriture a depuis deux ans été beaucoup plus
influencée par la musique que par d’autres littérateurs et quand
on me demande l’écrivain qui m’a le plus marqué, je réponds
invariablement le bassiste « mangeur de cordes » Charles Mingus.

Charles Mingus sera une figure marquante de l’univers de Geoffroy, prendra même toute la place dans Le Saint rouge et la Pécheresse (1970), sans doute son oeuvre la plus originale, la plus achevée, et certainement l’un des grands textes de la contre-culture. S’inspirant du Black Saint and The Sinner Lady de Mingus (1963), le meilleur album de jazz au monde selon Geoffroy, celui-ci tentera de reproduire à l’écrit le rythme, les images que lui suggère la musique, et présentera son recueil sous forme de « notes pour une chorégraphie ». Le croisement entre les titres du Saint rouge... et du Black Saint... est pour le moins évocateur : le rouge et le noir, couleurs de la Révolution, mais aussi des deux peuples fondateurs de l’Amérique : le rouge des Indiens et le Noir du jazz, qui se battent depuis des siècles d’abord pour leur survie puis pour leur reconnaissance (ou l’inverse, ce qui revient au même). Le rouge du sang également:

à la base de tout mouvement et de
tout mot
il doit y avoir le sang

puisque dans le sang il y a aussi (surtout) la vie, et donc toujours le jazz et l’érotisme.

le rouge, après avoir été la couleur du communisme socialiste
soviétique et chinois, est devenu la couleur d’Emmanuelle
Septembre et de la révolution, de l’insurrection constante, de
l’anarchie, la couleur du sang de Che Guevara et de Jean Chénier
et de Louis Riel, la couleur de la pensée de Daniel Cohn-Bendit,
de Fidel Castro, d’Alain Krivine et de Pierre-Paul Geoffroy,
la couleur des pantalons, des lèvres et du clitoris d’Emmanuelle
Septembre, la couleur de ma musique qui lui vrille les oreilles et
la couleur des lumières que nous fréquentons quand le soir tombe.

Emmanuelle Septembre, dans ce passage le foyer de toutes les sources de vie, de tous les espoirs et de toutes les ivresses, la femme et son corps au centre de toutes les passions, de tous les enthousiasmes, donne finalement un sens à toutes les autres quêtes.

Les textes de Louis Geoffroy portent en eux la certitude instinctive que l’érotisme a sa place dans un projet poétique et politique. L’érotisme s’y trouve un élément essentiel de la pensée éclairée, l’un des fondements du processus créateur : l’érotisme (mode de vie) est partout, mythificateur, écorchant toutes les bienséances, toutes les idées reçues. Lorsqu’il s’agissait de déboulonner des statues, toujours l’Obscène Nyctalope sautait sur scène, que ce fut pour crier « Place à l’orgasme! » à l’église Notre-Dame ou pour assassiner à coups de masse un mannequin au Quat’sous. Et s’il s’agissait de choquer, le caractère « obscène » de ce genre d’entreprise de terrorisme culturel, de même que de certains textes particulièrement explicites, avait sa raison d’être.

L’Obscénité, d’étymologie latine contenant déjà tout un contexte
moral, le ob-scenium péjoratif de ce qui est laid et honteux derrière
le décor, ce qui doit rester caché sous la scène, le secret, mot d’un
vocabulaire non valable et dépassé dans toute étude objective.

Au centre de l’insurrection, toujours l’élément intime (fondement de l’érotisme) mis au jour, porté à la scène : le dévoilement du secret. En fait, ce qui consacre le caractère obscène d’un acte, d’une parole, c’est le jugement extérieur qu’il s’agit de confronter beaucoup plus que l’acte lui-même, et le poète travaillera à faire la promotion de l’obscène en brandissant le mot (obscène) comme une mise en relief de son obsolescence, mais aussi du caractère subversif de la parole poétique.

les ans mettent leurs charnières de côté
et me gélatinent les actes
que je poursuis de mes assiduités explosives
et obscènes

Et musique de vie est nécessairement musique d’érotisme : Le Saint rouge et la Pécheresse sera l’illustration de cette idée, en ce que l’état de grâce de la femme se trouve incarné dans la Pécheresse ; et la danse, la chorégraphie des amants, l’érotisme trouvent leur sens dans la libération des instincts et le combat pour cette libération.

*

Malgré ces quelques brèches ouvertes dans la pensée de Geoffroy, il reste que plusieurs textes ne se donnent pas à lire aussi facilement que les nymphes qui s’y cabrent, ruisselantes de cyprine, que les clitoris et aréoles hérissés qui peuplent son univers. Les « Méditations (pour une paire de pinces à fil de fer) » de Totem poing fermé et les incantations du Saint rouge et la Pécheresse se dérobent dans le flux incessant, dans la monstruosité du verbe comme un solo d’Eric Dolphy ou les improvisations hallucinatoires de Coltrane, et restent indescriptibles par les mots, saisissables (peut-être) et par l’intuition, car dans les noirceurs les plus profondes se discernent et se dessinent des clartés aveuglantes. Et sans doute s’agit-il de la grande réussite de Geoffroy : ces textes, qui semblent vouloir demeurer indéfinissables sans la référence au jazz, prennent vie en fait dans l’impression musicale que jamais on ne songerait à vouloir expliquer, dans l’expérience du sens qui se dérobe en un magma inconcevable, et qui vous saisit pourtant de l’intérieur, ces textes qui, dans la déroute, portent en eux la joie la plus claire, quand le sens se sublime en rythme impossible, ahuri. L’inexplicable euphorie du désordre.

Patrice Lessard
* Ce texte est paru dans la revue Estuaire, Montréal, nº 107, décembre 2001, pp. 57-69.

 

BIBLIOGRAPHIE

Les Nymphes cabrées, poésie. Illustrations de Jean Lepage, Montréal, L’Obscène Nyctalope, 1968. N.p.: ill.
Graffiti, poésie. Montréal, L’Obscène Nyctalope, 1968. 68 p.
Le Saint rouge et la Pécheresse, poésie. Montréal, Éditions du Jour, 1970, 95 p. Coll. «Les poètes du Jour».
Empire State Coca Blues : triptyque 1963-1966, poésie. Montréal, Éditions du Jour, 1971, 75 p. Coll. «Les poètes du Jour».
Un verre de bière mon minou : let’s go get stoned : LMNOGH - tome zéro, chronique. Montréal, Éditions du Jour, 1973. 177 p.: ill. Coll. «Proses du Jour».
Totem poing fermé, poésie. Montréal, L’Hexagone, 1973, 57 p.
Max-Walter Swanberg, conte érotique. Montréal, L’Obscène Nyctalope, 1973. 41 p.
Être ange étrange, érostatse. Illustrations d’Emmanuelle Septembre, Montréal, Éditions Danielle Laliberté, 1974. 138 p. : ill.
LSD, voyage, poésie. Illustrations de Jean Lepage, Montréal, Éditions Québécoises, 1974. 58 p. : ill. Coll. «Poésie», 0.
Press club, érostase. Illustration de Jean Lepage, Montréal, MacBec, 1980. 82 p. : ill.
Poker, cartes à jouer. Montréal, imprimé par les Éditions d’Orphée, 1981.
Femme, Objet..., Illustrations de Jean Lepage, Montréal, Éditions Parti Pris, 1983.
Le saint rouge et la Pécheresse, musiques 1963-1974. Montréal, L’Hexagone, coll. «Rétrospectives», 1990.

 
 
EXTRAIT


De la connerie proportionnelle à l’élévation des gratte-ciels

les multiples objets des tétralogistes
hantent mes pensées
à mesure que défilent les multiples images des désordres
comme une ligne musicale
vraiment pas aussi belle que celle des nègres qui
dans ma musique assument leur état avec gloire
dans une iconographie hyperanachronique
se dressent
prêts à assumer de leur victoire phallique mastoïdienne les mêmes
croix tout à l’heure
veulent gratter le phosphorescent des étoiles ahurissantes et ahuries
regardent encore de haut des manifestations complètement déplacées

mais là n’est pas le pire
- loin de là -
c’est de voir
nom d’un bordel de curés
le christ un pénis dans ces malformations grotesques
surmontant de sa croix tous les obstacles
pour dire
défiant la loi de Newton selon laquelle :
- une pomme qui se détache d’un arbre doit tomber par terre ou monter
au ciel mais ne peut sans aucune raison valable demeurer immobile
annihilant les effets bénéfiques des forces centripètes et centrifuges de
la terre -
c’est de voir
ce christ un dolmen irlandais de plus hargneusement
mettre sa tête cruciforme de condamné à mort
- même si sa situation de condamné à mort me le rend sympathique
moi qui suis abolitionniste -
dans les draps blancs de son ciel de lit de mort
dans ses linceuls
pour tout dire

quand même vous me direz pas que c’est ma faute si John Coltrane est un génie si Boris Vian est un christ dans le sens laudatif du mot si Henry Miller est un monstre comme on dit de son fils chéri et prodigue qu’il est un monstre si Patrick Straram en aime une bonne partie et si New York est la connerie la plus monumentale du monde selon les critères établis par cent jurés castrés et qu’on a soigneusement détournés de harlem pour ne pas leur donner une vision béatifique de ce qu’est la liberté la seule la vraie à Watts aussi

car satan mingus y est né
dans ce rare pays libre
et j’entends encore l’hypervirilité de parker de monk de jones le roi
y résonner de ses chants prostatiques et protestataires
- cé ben connu chu hor de nul par cé ben connu chu hor de ce mond
cé ben connu chu laman sal de vot fem
laissé moué rectifié d’abor que chu pa sal et que si chu laman
dvot fem cé quvou zêt pa capab dêt lé zaman dvo fem -
et déboutés les salauds de visages pâles
avec leurs dents et leurs robes noires
quittent la liberté et
retournent sous l’accumulation de déchets intellectuels
dont
la statue ou l’obélisque regorgent même sous les drapeaux

je m’allume une cigarette
geste anodin dans son ensemble
je regarde dans les yeux mon briquet publicitaire
d’une firme civilisée
parallèlement à ce que je suis
je m’aperçois qu’il faudrait détruire
- tout ça c’est bien prosaïque
mais la mosaïque inquiète
indiscrète
de tout détruire
me hante depuis des siècles et des siècles
ainsi soit-il -
dirait ramakhrishna
ainsi plus besoin d’argent
le vil breloquin des décadences inharmoniques
de tout ce qui se construit
qu’on se truicide
qu’on se débandande
qu’on se déplaireplace
qu’on se libertéte
qu’on puisse enfin vivre
tout en songeant au solo de l’oiseau dans la maison chaude
encouragement à des débordements incongrus
et si bienvenus

l’hypophyse céphalaire fatiguée
je me couche
et rêvasse tranquillement à quelques lueurs multicolores
le rayon laser
viennent frapper calmement à ma fenêtre ouverte
entrent
se posent sur mes mains pour que
dans un réflexe inconditionné
je les relance
dans un geste charitable
pour mes compatriotes tristes
un violon américain sur toute la véritable obscénité de
montréal cité blues car
« je voudrais pas crever »

Louis Geoffroy l’obscène nyctalope






 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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