Guy Jean

Publié le par la freniere

(Campbellton, Nouveau-Brunswick, 1935 - ) Poète, Guy Jean obtient un baccalauréat ès arts (Bathurst), un baccalauréat en théologie (Laval/Rimouski) et une maîtrise en éducation (Ottawa). Il fait aussi des études en andragogie et en gestion.

 
 La poésie de l'eau

Avec Et l'eau répondit..., Guy Jean livre le labeur de plusieurs années de recherche et d'exploration sur le thème de l'eau. Avec sa comparse, l'artiste peintre Janet Fredericks, il interprète le langage sourd et complexe de cette grande matrice.

Voilà quelques années que l'artiste peintre Janet Fredericks et le poète de la région Guy Jean composent chacun à leur manière des oeuvres d'art autour du thème de l'eau. Après le projet intitulé Water Chronicles amorcé par la peintre, les deux amis artistes ont poursuivi leurs recherches en faisant la découverte des travaux du Dr Masaru Emoto, dont Guy Jean avait fait venir les ouvrages du Japon. "En photographiant les cristaux d'eau, il a pu montrer qu'ils réagissent non seulement à l'environnement, mais aussi à la musique et même au texte. C'est donc à partir de ça qu'on a établi comme postulat que l'eau avait une conscience et qu'on s'est mis à travailler avec l'eau non pas seulement comme objet de notre art, mais aussi comme sujet avec lequel on entre en relation", explique Guy Jean au bout du fil.

Ils ont donc choisi deux cours d'eau vers lesquels concentrer leur attention et leur fréquentation, soit la rivière New Haven, un torrent de montagne au Vermont - où habite Janet -, et le ruisseau de la Brasserie à Gatineau. "On s'est approché de ces cours d'eau plus ou moins comme si on approchait un être conscient, un animal par exemple, note-t-il. On s'est dit que le cours d'eau allait nous enseigner comment travailler avec lui."

Celui qui nous livrait Les blanches feuilles où dansent nos âmes en 2005 avec son ami bédéiste Baudoin a ici été confronté à une autre méthode de travail, puisqu'il pouvait interagir directement avec la matière. Il a notamment plongé quelques-uns de ses poèmes dans l'eau, question de voir les effets sur les mots et les phrases. "Ce qui m'a beaucoup frappé dans ces expériences de recherche, ce sont les sons de l'eau. Du moment où l'on prenait pour titre Et l'eau répondit..., on se mettait en état d'écouter, et l'eau ne répond pas nécessairement comme on le veut ou on l'attend. Et on a très peu de vocabulaire pour les sons de l'eau, pratiquement pas. Donc c'était cette attitude de se mettre en état de réception devant les cours d'eau, en les fréquentant, en étant présent, en passant beaucoup de temps là et en acceptant d'écouter."
 
SOURCE DE VIE

Un autre jalon de sa recherche étudie le rapport entre le cours d'eau et ses riverains - l'histoire, la pollution, l'influence d'un cours d'eau sur la vie, etc.: "J'ai été marqué par toute la profondeur et la complexité historique dont regorge un cours d'eau. Par exemple, il y a toute une histoire autour du ruisseau de la Brasserie, mais physiquement, quand on regarde au Parc Jacques-Cartier où le ruisseau rejoint la rivière, la berge est faite de bois calciné, ce sont les restants des grandes cours à bois qu'il y avait là. C'est un exemple de l'histoire que le cours d'eau peut amener à partir de sa source."

Il s'est aussi accroché à cette idée de la "rivière sous la rivière", en tant que rivière rêvée ou de l'inconscience: "Certains écologistes disent que sous chaque cours d'eau, il y a immédiatement un autre cours d'eau, puis il y a un échange de micro-organismes. Je regarde ça comme le rêve ou l'inconscient du cours d'eau, ce qui m'a permis de me rattacher à un paquet de mythologies..."

Par ailleurs, ce projet est rapidement venu rejoindre ses convictions profondes en ce qui concerne la préservation de l'environnement: "J'ai fait beaucoup de recherches bibliographiques, puis ce qui frappe, c'est que l'eau est à l'origine de la vie. Ce qui m'interpelle, c'est cette importance de l'eau et comment on est peu sensibles à sa valeur. Le ruisseau de la Brasserie est exceptionnel comme cours d'eau en pleine ville, et on s'en sert à moitié comme dépotoir, on n'a pas de respect. Tant que l'on va considérer l'environnement comme une chose inanimée, on va le traiter inadéquatement. Alors que si on regarde la nature comme intimement liée à nous, comme faisant partie d'un ensemble dont nous faisons partie, on va arriver à traiter, à négocier et à entrer en relation avec elle de façon différente, comme on a appris à entrer en relation avec les animaux de façon plus respectueuse dans un sens."

Et si M. Jean ignore encore s'il va continuer à alimenter ce travail de création sur l'eau, il résume sa pensée par cette parole: "Ce qui n'est certainement pas achevé, c'est cette relation avec les cours d'eau; ça va durer toujours, c'est sûr, nous sommes comme devenus de vieux amis."
 
Mélissa Proulx     VOIR
25 mai 2006
 
 

Sur le fil tendu des amours, Editions Ecrits des Hautes Terres (Collection « Cimes »)
Du sang sur les Astilbes, Ecrits des Hautes Terres (Collection « Cimes »)
Terres frontalières du quotidien, Editions Ecrits des Hautes Terres (Collection « Cimes »)
Les blanches feuilles où dansent nos âmes, Editions Ecrits des Hautes Terres (Collection « Cimes »)
Et l’eau répondit..., editions Ecrits des Hautes Terres (Collection « Cimes »)

Le jour disparaît au bout du sillage
à la dérive
A la faveur de la nuit
les étoiles raconteront
la profondeur du temps

Les liens noués à s’en briser le cœur
la longue vibration des peines et joies
les trésors qui nous glissent des mains éclatent en mille larmes
les montages, les ruelles, leurs odeurs
la soif, les deuils, les objets de famille
les corps qu’on a servis dans l’amour et la maladie
La mémoire coule au fond de la mer
je me retourne face au vent
la mort se lève au large... "

In "Terres frontalières du quotidien"


Ton absence m’écrase
je deviens pierre
je ferme les yeux
te ramène tout autour de moi
tisse à neuf le cordon ombilical
mère mienne, toute mienne.


Sarcophage de pierres précieuses
j’y couche ton corps
ne s’arrachera jamais plus du mien.

Qu’a-t-on besoin du père
en marche vers l’ailleurs ?

Ma mémoire décompose ton visage
je ne puis retenir l’odeur du lait
sur ton sein.
Ton absence m’écrase
je deviens pierre."

In "Les blanches feuilles où dansent nos âmes"

 

Si la rivière était à sec ?

La rive ridée
comme chagrin en deuil.

Un trou
une échelle de bâtons ficelés
à dix mètres les coups de pelle
poursuivent un mince filet d’eau
chaque jour plus loin de la lumière
chaque jour plus faible
chaque jour la soif
plus creuse que le puits.

Les pieds dans la boue sèche
perdue la route vers l’autre monde."

In « Et l’eau répondit »

Guy Jean
 
 
 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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