Un oui sauvage
Tu as ouvert ton corsage. J’ai dit un oui sauvage, un oui d’écorce et d’eau d’érable, un oui de terre et de muskeg, de vin de glace et de portage, un oui de source et d’autochtone. J’ai mis mes jambes autour de toi. Ta nudité fleurit mes bras. Ta beauté m’éblouit. Ta bonté m’éclabousse. Le canot de l’amour enjambe les torrents. J’irai où tu voudras. Nous ferons de la chasse-galerie, du chasse-neige, des pas de deux sur les nuages. Allongés dans la nuit, nous basculons comme un cheval de bois. J’ai mis mon cœur sous ton pubis. Je t’aime en douce. Je t’aime en rousse. Je t’aime à tort et à travers. Je t’aime entière. Je t’aime en tout. Je t’aime envers et contre tout.
On s’installe dans le fauteuil du nous, dans la chambre du cœur, la maison des caresses, le grenier des paroles. On fait pousser du feu sous le grand arbre à neige. Je pense à toi avec mes doigts. Nous marchons dans le savoir de la terre, l’intelligence des étoiles. On s’enflamme au chant du merle, au sourire des vagues, aux éclats du chardon. Dans le langage de l’amour, le baiser pratique la concordance des temps. On dit je t’aime avec le corps. On le conjugue avec le cœur. Je t’aime à peau de loup, ornée de plumes et de d’os. Je t’aime dans le silence des falaises, la mémoire des collines, le rêve rouge de Sitting Bull, le cercle des tipis.
Tu m’ouvres les bras et je rentre chez moi. Ton corps délimite la surface où j’habite, l’espace que j’occupe. Nous faisons l’amour, la tendresse, la vie. Les mots préliminaires sont déjà dans la chair. C’est toi qui es vraie. Tout le reste est fantômes, fantasmes, fatrasies. Toutes les fleurs te saluent. Tous les fruits te vont bien. Ta bouche est savoureuse. Toutes les robes s’ajustent à la lumière de ta peau. Tu as remis à l’heure mon cœur anachronique. Laisse-moi t’approcher, te toucher, rentrer chez moi. Laisse-moi te bercer, accomplir l’infini. Ton corps frissonne. Je déchire ma chemise comme un fleuve déborde. J’apprends à naître. J’apprends à vivre.
J’ai deux mains pour t’écrire, les deux mêmes pour t’aimer. Elles attendent les tiennes. Sans autre providence que ta main dans la mienne, ma vie s’adosse à l’espérance. Avançons l’un dans l’autre. J’ai creusé dans ton lit une rivière vers la mer, un chemin vers le jour. Nous sommes si mêlés. Nous sommes si heureux. Le soleil n’ose pas détourner son visage ni courber les épaules. On peut voir ton âme à travers tes gestes. Tu éclaires la scène comme un soleil humain. Le monde est ton désir. La maison de mon corps est habitée par toi. Il y fait toujours beau. La table est mise pour la joie. Le monde redresse sa longue échine usée. Le temps chez toi passe tout droit. L’été chez nous ne cesse pas. Le vent chez moi passe en chantant car il passe avec toi.
Laisse-moi te parler bouche à bouche. La vie est une porte dont tu détiens la clef. Je veux tout. J’aurai tout. J’aurai l’amour dans les yeux. J’aurai toi. Tu écris sur ma peau. Tu sèmes l’oasis dans le sable des jours. Tu dresses les vertèbres sous les épaules du temps et met l’espoir debout. Je t’aime plus vite que la lumière, plus lentement que l’eau, plus loin que la vie, plus proche que le cœur. La courbe de ta hanche met le monde en mouvement. Ton doigt sur ma paume ouvre ma ligne de vie. Toute la nuit, je me tourne vers toi. Rien ne pourra nous séparer, ni le temps ni l’espace ni la mort.
Laisse-moi toucher tes mots, leurs pas de pouliche apeurée. Je t’entends. Je t’écoute. Je sens que tu me touches. Mes mains te disent bonjour. Mes yeux t’envoient de grands sourires, des paniers pleins d’images, un cargo de caresses, un camion de je t’aime, un continent d’espoir, un univers entier envahi par l’amour. Laisse-moi lire ta peau. Laisse-moi rire avec toi. J’aurai des mains d’argile pour façonner tes hanches, des taches de rousseur pour émailler ta peau. Je laisserai couler la ceinture de l’eau sur le ventre de sable. Nous sommes si mêlés, si heureux d’être ensemble. Même ton ombre est transparente. Elle redresse mes fleurs dans l’été sexuel. Je t’appelle dans une échappée d’encre. Ton attente vaut tout ce qu’il me reste à vivre.
Nous traçons un sentier dans les embouteillages. Il ne sert qu’à nous mais transcende le reste. Il mène à toi comme un consentement. Il mène à nous comme un ensemencement. Il mène à tout comme un commencement. On parle comme les vagues qui se recréent sans cesse, les racines qui s’embrassent, les plumes dans une aile qui permettent le vol. Je n’étais que moi-même titubant de faux pas. Tu m’apportes le sens au milieu de l’absurde. Tu ajoutes le cœur dans le jeu vain des mots. Tu m’as ouvert les yeux dans la mémoire aveugle. Avec toi pour escorte, je marche sur la route où le matin s’ébroue rencontrer l’absolu.
Si loin, si près. J’ai besoin de tes mains. J’ai besoin de tes yeux même s’ils ne me voient pas. Tu es sous mes paupières comme un soleil immense, dans la pupille du jour, dans l’iris de la nuit. L’amour se propage par la colonne vertébrale, de la base du cou à la naissance des hanches. Avec toi, j’ai des mains pour aimer, des bras assez longs pour le ciel, des jambes de sept lieues. La terre s’agrandit quand nous dormons ensemble dans le petit lit des mots. Tu dénudes ma vie jusqu’à la vérité. Il me faut ta lumière pour traverser le monde.
Des fois je t’aime. Des fois je t’aime encore. Je t’aime toujours plus que beaucoup. J’ai trouvé sur ta paume toutes mes lignes de vie. Chaque matin, je peux me lever vivant. Tu attends mon sourire. Le lait chante dans le café. Mes phrases pleines de trous se remplissent d’amour. Tu as refait le pain avec la mie du monde. J’y ajoute les fraises. Tu transfigures le monde. Mes pommiers sont en fleurs au milieu de l’hiver. J’avais un creux en forme de femme, tu l’as rempli. Nos corps vont ensemble comme l’âme et le cœur.