Jacques Josse
Né le 10 juin 1953 à Lanvollon (Côtes d'Armor). Il vit à Rennes où il travaille - au tri postal - tout en animant, depuis 1991, les éditions Wigwam, consacrées à la poésie et à la peinture.
" cette façon d'être et de dire dont Jacques Josse ne s'est jamais départi, qu'il n'a pas besoin de monter en épingle, qui nous hante et pour laquelle nous sommes prêts encore à risquer autre chose que le semblant d'absence au monde auquel nous sommes promis.
La poésie, oui, la poésie, il me semble … " Avec le halètement des vagues dans la tête " Une poésie qui, vivante comme peu d'autres, assume la familiarité avec la mort que ce pays de fin de terre entretient depuis toujours, d'ancestrales terreurs, d'ancestrales querelles avec le sentiment macabre d'exister, dans les églises, sur les calvaires des enclos paroissiaux ou par l'entêtement comme ahuri dont on a caractérisé les autochtones, déterminant le plus modeste rituel et, au zinc des cafés, le rictus ou la faconde profanatrice de sombres officiants noyant dans la bière le souvenir d'un peuple d'enchanteurs. " Lionel Bourg
Fissures, Amérianes, 1979
Tachée de rue Blessure, Le Castor Astral, 1979
Fabrique, Le Dé bleu, 1981
Deuxième tableau , Le Castor Astral / L’Atelier de l’agneau, 1983
Talc couleur océan, La Table rase / Les Ecrits des forges, 1987
Des Voyageurs égarés, Écho des brumes, 1994
Le Veilleur de brumes , Le Castor Astral / La Rivière échappée, 1995
En Route vers l’Orient, Césure, 1996
Des Etoiles dans le cœurs, Dana, 1997
Un Habitué des courants d’air, Cadex, 1999
Vision claire d’un semblant d’absence au monde, Paroles d’Aube, 1998
Des Solitudes, Blanc Silex, 2000
Café Rousseau , La Digitale, 2000
La Mort de Gregory Corso, La Digitale,
Ombres classées sans suite, Cadex, 2001
Jules Lequier et la Bretagne, Blanc Silex, 2001
Lettre à Hrabal , éditions Jacques Brémond, 2002
Vision claire d’un semblant d’absence au monde, Paroles d'Aube, et réédité avec des poèmes écrits entre 1985 et 2001, chez Apogée, dans la collection La Rivière échappée, 2003
Bavard au cheval mort et compagnie, Cadex, 2003
des nuages délavés,
rien du cours
passé de la douleur,
rien
de l'utopie
que l'on ouvre
au couteau
pour en extraire
les iris mauves
d'un fantôme qui claudique
dans les couloirs du vent.
*
Le soir il marche lentement sur le sentier qui mène de Bréhec à la Pointe de la Tour. Passé le mur de pierres et les herbes folles, au fin fond du hameau des " Rochers rouges ", il bifurque pour remonter vers la chapelle Sainte-Eugénie. À peine un quart d'heure plus tard, parvenu là-haut, debout sur le dos de la colline qui surplombe la baie, il se laisse submerger par le côté " hors du temps " qui se dégage des lieux. I1 pousse la porte, foule une grande dalle froide avant de s'engouffrer dans ce réduit sombre et humide... La simplicité de l'édifice, son intérieur austère, les traits reproduits sur les visages en bois - pour la plupart ceux de marins péris en mer - qui semblent souffrir paisiblement, immobiles et un peu poussiéreux dans leur coin d'ombre, tout cela le plonge dans un silence et un état d'hébétude où il retrouve tous les arpenteurs de solitudes qui se sont, un jour ou l'autre, absentés du monde pour ne plus jamais y revenir.
À tour de rôle, les feux de la côte nord ont pris posses-
sion de l’obscurité. Ils clignotent, délimitent l’arc et les
dangers de la baie, posent des doigts colorés sur la rumeur
de l’eau
Une barque, avec un seul homme à bord, se faufile entre
deux roches, précisément entre la Noire et la Cheminée…
Vu d’ici, la brume, la mer et le froid stagnent dans un jeu
de veille qui restitue l’oscillation calme et régulière d’une
nuit givrée.
*
maître
d’épave,
pas loin,
dans une grange
Il remue le cap
avec les iris fanés
de l’enfance qui craque
son bois sous le givre
il commande une clé
pour la serrure du doute,
un reflet de hache
pour fendre le dos
des truites sous l’eau
& un morceau du Brésil
de Blaise pour les orteils
gelés de son poème
*
J’ouvre le livre,
un peu comme
on ouvre une fenêtre
pour découvrir, dès l’aube,
un fragment de paysage.
Après je bénis le jour
Personne ne me voit. Je parle.
Je donne du pain aux morts.
Et je jette les dernières étoiles
au fond du puits
In Vision claire d'un semblant d'absence au monde, éditions Apogée, 2003
Brèves de Bruges, un texte de Jacques Josse sur remue.net
Jacques Josse