En suspension

Publié le par la freniere

Un jour, elle avait décidé : je ne regarderai plus jamais en traversant la rue.

Depuis, Rose faisait tout à l’aveuglette, n'ayant plus cas de rien, portait-elle du fuschia avec du jaune, des chaussures dépareillées, ses cheveux étaient-ils défaits devant ses yeux, lisait-elle son livre de droite à gauche en partant du milieu, mangeait-elle son dessert au début du repas ou au bout, peu importait. Elle avait décidé que plus jamais elle ne prêterait attention aux choses, les choses devraient faire attention à elle.


Aussi, elle traversait des carrefours d’un pas léger, aux heures les plus chargées du trafic. Comble de l’affaire, les voitures ne klaxonnaient même pas l’imprudente, elles slalomaient en l’apercevant, comme si la jeune femme avait priorité sur le macadam. Rose ne s’inquiétait pas en fait de savoir si le feu était rouge, orange ou vert, elle allait son chemin comme on marche sur un nuage, sans s’inquiéter d’où vont ses pas. Devant elle les portes s’ouvraient tout naturellement, sur son passage les murs s’écartaient, faisant un pas de côté, même les arbres remontaient leurs branches basses afin qu’elle n’y cogne pas sa tête. Les objets les plus insignifiants s’écartaient de son chemin, les ballons roulaient, les cailloux sautaient, les trottoirs lui faisaient une rampe pour qu’elle n’ait pas à descendre. Les fourmis détournaient leur procession pour ne pas interrompre sa marche, dans l’air les mouches lui faisaient un cortège, les chiens n’aboyaient pas mais s’inclinaient dans une révérence.


Elle avait décidé un jour, que plus rien n’avait d’importance, rien ne pouvait être sérieux, rien n’était grave.


Elle ne voulait plus se concentrer que sur une chose : son amour.

Michèle Menesclou
http://alineaetc.hautetfort.com/

Publié dans Glanures

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