À l'écoute
Je t'écoute parler. Je t'écouterais des heures. Je n'écouterais que toi. La parole du monde est si laide à côté. Elle n'est faite que de bruit. C'est une fausse rumeur. Tes mots viennent du cœur et passent par la voix sans altérer le sens. Tes mots lavent les larmes et tiennent par la main la lumière du jour. La nuit, pas besoin d'éclairer, il y a assez de mots pour se voir, assez de caresses dans tes doigts pour vaincre le malheur et la peur des années. Tu es debout sur ta parole comme une fleur de l'âme. J'y butine sans fin un pollen solaire. Met ta tête au volant de mes bras, nous irons sur la lune pour retrouver la vie ou la perdre un peu plus.
C'est merveilleux d'aimer et d'être aimé. Depuis que tu es là, le soleil me répond. Les pierres me tutoient. Il y a de la musique, du miracle dans l'air. Tous les arbres m'embrassent. J'ai même vu un chevreuil me faire des clins d'œil, les lièvres applaudir avec leurs deux oreilles tout en tapant du pied, les champignons soulever leur chapeau de rosée. Il y a comme une échelle entre la terre et le ciel, une porte ouvrant sur l'invisible. Je sais pourquoi j'ouvre des livres. Je sais pourquoi je vis. Je respire comme on prie.
Chaque feuille qui bouge me rappelle tes pas. L'horizon fait la vague quand tu danses pour moi. Dans le parc désert tu as ouvert un stand distribuant le bonheur. Tu as mis des plumes et du sang dans les coquilles vides, des rêves à deux boules sur les cornets magiques, des ailes sur les mots, des roulettes aux montagnes. Tu as ouvert la cage au singe de l'ennui. La vie court partout.
Les cerisiers en fleurs, les pommiers, les arbres aux nez de clown font rire les vergers. Le temps oublie sa montre. Le vent court sans robe. Les fleurs se bousculent pour que tu les arroses. Les moineaux font la queue sur la portée des branches. L'encre mauve des lilas dessine les odeurs. Ça sent l'amour jusque dans les nuages.
Pour monter plus haut, il faut descendre dans l'amour et fleurir par ses racines. Pour entendre les anges j'ai semé des poèmes dans ma sourde oreille. J'ai offert au soleil ma sébile d'aveugle. Nos pas d'enfant soutiennent la verticalité du cœur. Tu pars encore du côté rouge du rêve charmer les coquelicots avec ton baluchon.
Tu transportes avec toi le bout bleu du ruisseau où je viens boire moi aussi. Je cueille pour ta soif des syllabes d'eau fraîche. Nous sommes si mêlés, nous sommes si heureux en échangeant nos vies. En deux mots, nous enjambons le monde. Nous nous perdons dans la distance mais nous nous retrouvons sur le bout de la langue. Je te perds quand le silence grandit. Je te retrouve dans les mots, les images et même les ratures. Au fond de chaque mot, tes regards m'appellent.
Nous sommes si près parfois, j'entends rire ton ventre et le soleil dans tes yeux. Tes mots entortillés au fil des nuages caressent mes oreilles. Devant ta robe à fleurs j'ai les yeux pleins d'abeilles. D'aussi loin que tu sois, un arc-en-cœur nous relie. Nous fleurissons ensemble sur la sève des heures. Je te porte avec moi. Je te porte et je sens tout le poids de la vie s'alléger de bonheur. C'est ta lumière que je porte pour éclairer les autres. Dans nos bouches d'enfant, les noyaux retrouvent l'espérance des fleurs.
J'ai le cœur en fleurs, le cœur en été, le cœur sur la main, le cœur en atout, le cœur à tout, le cœur ouvert à tous par le tien, le cœur à cœur, le cœur en chœur dans le nef du silence, le cœur côté cour, la rue côté jardin, le cœur en vélo sur un chemin de cœur, le cœur sur sa tige, le cœur ouvert de haut en bas, de la cave au grenier et de l'espace au temps. J'ai le cœur à toi et l'âme à la tendresse.
J'aurais pu ne pas être et voici que je suis beaucoup plus que je suis. Si tu entres dans l'eau, c'est moi qui serai la vague. L'oiseau est solidaire de la branche, le rocher de la source, le ciel des étoiles. Nous le sommes encore plus. Quand nous nous enlaçons en protégeant notre intimité, nous ne fuyons pas le monde, nous l'embellissons. Ceux qui s'aiment font tomber les frontières. Ils remplacent les murs par l'abri des caresses.
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