Même le désespoir
L’âme du monde aux yeux de délation
a les pattes brisées.
Elle roule comme un caillou
sur les larmes d’enfant.
Brûlée jusqu’à l’os,
la bourse à vide
et la mâchoire avide,
elle saute comme une mine
au milieu des marelles.
Sa musique en play-back
se pend aux cordes vocales.
J’attendais tout de la vie
mais le pastel pourrit
et le pistil saigne
dans le cœur de la rose.
L’orage vient rugir
sur les feux de la peur
ne laissant que la cendre
sur les fontaines mortes.
Des fous de Dieu
tournent leurs yeux brûlés
vers une Mecque aveugle.
Des mères dénaturées
maudissent leurs enfants
quand ils brisent les armes
et condamnent la haine.
Leurs fils meurent très jeunes
sur le chemin du ciel,
une bombe à la main
au milieu des écoles.
J’attendais tout de l’amour
mais la mort est partout.
Les chiens crèvent sans un os,
les enfants sans un rêve.
Les mains des femmes tissent
des linceuls de sang.
Des soldats s’agenouillent
sur les tapis de prières
juste avant les massacres.
Tout s’achète et se vend,
de la peau jusqu’aux dents,
de la peur et du sang,
de l’espoir et du vent,
le sexe des enfants,
l’urine des jeunes vierges
et des couches aux vieillards.
Même le désespoir
fait recette à la caisse.
On vend la mort en seringues,
en pastilles, en bouteilles,
de la poudre à canon
et de la poudre aux yeux.
On ne vend plus son âme.
Les huissiers l’ont saisie.
On vend plutôt des armes
et des rêves à la mode.
La foule fait la file
sans savoir pourquoi.
J’avais rêvé d’un monde
aux vertes espérances
mais l’argent mène le bal
sur les écrans géants.
La foule au bord du gouffre
n’attend qu’un pas de plus.
On voit des hommes à genoux
payer pour y rester.
On voit des femmes aussi
vendre leurs doigts coupés
Pour acheter des bagues.
Le pont d’or est pourri
sur le fleuve des choses.
Les sourciers meurent de soif