Solo 4
Seigneur Dieu
pour votre Parousie
me laisserez-vous revenir
en ma paroisse nizonnaise ?
du mal qui me peut advenir
épargnez-moi
bonne est la vie
parmi les êtres humains
mon cœur est sans froidure
et peu me dure le temps
quand je suis fraternel
Seigneur
Roi des eaux et des mondes
au revoir et kenavo
saluez pour moi
François Villon Arthur Rimbaud
les anciens et les nouveaux
les voyous et les voyants
les croyants et les fous
Max Jacob et Verlaine
Perros et Guillaume de Machaut
je leur offre mon solo
avec un brin de marjolaine
Et si je ne parviens pas
en ma patrie humaine
si me tourmente le vent
ou si me crève la pluie
si les crapauds méchants
mangent ces bronches pourries
si ma dernière route
doit être si meurtrière
que je me couche transi
en funèbres fougères
faites que je sache aimer encore
l’herbe des prairies
la clameur du bief
et la voix de l’écluse
emplissez d’azur
mes paupières repliées
et que sonnent les musiques
dans la dernière brise respirée
n’abîmez pas ma chrétienne créance
d’ignoble effroi et longue dolence
vous le savez
de mes péchés et mauvaisetés
cent fois j’ai fait repentance
accordez-moi l’infinie souvenance
de la splendeur de la terre
et puis emportez-moi
à l’exacte place
qu’en votre pitié vous réservez
aux hommes de ma chanteuse race
Seigneur Dieu
à mes frères et amis
aux femmes que j’ai aimées
à tous ceux que mon cœur à croisés
avant que d’entrer dans les ténèbres
transmettez je vous prie
mon espérance testamentaire
nul chant nul solo
nulle symphonie nul concerto
qui porte nostalgie d’amour
et soif et faim de tendresse
ne sera perdu dans la détresse de la mer
voilà et puis encore ceci
par la dernière larme
par l’ultime halètement
par le dernier frémissement
par le moineau qui s’envole
par le geai sur la branche
par la dernière chanson
par la joie dans la grange
par le vent qui se lève
par le matin qui vient
tout simplement
je vous rends grâce
d’avoir été dans le bondissement
incroyable
de votre création
un pauvre hère mortel divin
et misérable
oui
tout simplement
un être humain
parmi les milliards
et les milliards de vos créatures
à présent que les feuilles
et les mains
de douce nature
me closent les yeux !
Mais Seigneur Dieu
comme la vie était jolie
en ma Bretagne bleue