Abattis

Publié le par la freniere

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Y aura-t-il demain des hommes encore debout ? Un moteur jappe, hargneux. Ça sent l’herbe brûlée et le ciel en colère, la mousse des vieux troncs et la sciure de bois. Le monde a la tristesse des choses abandonnées. Une écume frissonne au mufle du malheur. Le bruit des tronçonneuses laisse échapper son huile. Entre deux abattis, les branches baissent la tête comme pour s’excuser. C’est pourtant nous qui les mettons en planches et détruisons la terre. Les cadavres de bois mènent paître leurs ombres. Les insectes s’accrochent aux larmes de résine. Le feuillage n’est plus qu’un peuple de voix tues. Les roches bavardent entre elles sans se méfier des hommes. La pierre fait son métier de pierre qui n’est pas d’être un mur. Les oiseaux font des trous dans la misère du monde sans réclamer leur dû. Les papillons sur l’écorce rêvent d’un air plus pur. Un chevreuil lève le nez sans savoir où aller. Il n’a plus à manger que des cendres amères. Les signes de vie s’éteignent. Ne reste des orages qu’un soluté de pluie, l’aiguille des éclairs sous la peau des nuages. Un jour, peut-être, le printemps reviendra, une bouffée d’air frais. Il y aura du vent dans le cerveau des choses, du sang propre à nouveau, une terre en jachère. Qui peut vraiment savoir ?


photo:  Dylan-Thomas  La Frenière

Publié dans Prose

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