Cote d'alerte (France)

Publié le par la freniere

Écrire donc. Dans l’horreur justement. En ce temps de détresse dont parla Hölderlin. Pour maintenir le lien (le lieu), et dire qu’il en va de l’urgence lorsque ne mêlant pas sa voix aux borborygmes bien-pensants et aux injonctions militaires, on parle d’un peu de neige ou d’absolu, ce flocon peut-être entre les doigts qui fondant propage le frisson dont se sont délivrées nos médiations complices. À la date où j’écris (31 janvier 1991), les leurres dominent le vacarme des ondes, étouffent les cris, spectralisent la fosse commune d’où s’invectivent les premiers agonisants. Sans jouer les Cassandre, il n’est pas incongru de prévoir que des étripements plus barbares succèderont un jour, dans dix ans, un demi-siècles ou demain, à la lutte étatique : empoignades claniques, atrocités civiles, meurtres lapidaires, libanisation de chacun dans des Beyrouth circonstancielles, des Vilnius d’occasion, des Mogadiscio suburbaines. Déjà, le tribalisme de la conscience boucle à leurs origines les sociétés marchandes. Raison de plus pour refuser de se taire. Il ne s’agit pas de littérature mais, on l’aura compris, d’une parole qui dit le sens à l’encontre des graphies en miroir incarcérant les choses. On l’appelait la poésie. Quel nom faudra-t-il désormais donner à notre incertitude ?

Lionel Bourg     Prière d’insérer, Cadex éditions

Publié dans Poésie du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article