Le bleu des ronces

Publié le par eniger

Un gravier entre le pied et la semelle, on va dans son histoire en souliers du moment. On devrait aller nu. Mélangés à la route, ces visages, en arrière alourdissent l’espoir. Ces rêves déjà mordus et ces embarcadères, ces griffes de vieux lierres, ces bateaux échoués, ces choses déjà vécues, encombrent. Une pensée amère pelure ses oranges. La fureur des oiseaux, l’éclatement des graines n’y pourront rien changer. Ni la force du jour. J’avance dans le marbre, les mains en porte-à-faux, comme Camille. L’oraison maladroite, je cherche l’orichalque. De la première à la dernière porte, mes doigts auront tremblé. Les vieilles eaux qui roulent et fabriquent la neige savent tout des douleurs. Des buées, des ruisseaux, des torrents et rivières, fleuves, mers, océans, autres larmes et nuages, savent tout des douleurs. La jeune étoile rouge tombe sans le savoir en l’extrême du bleu, la suprême brûlure, juste avant l’explosion. Entre la déchirure et l’immobilité, mes jupes dans les ronces ne craignent plus grand-chose. Mais ces voix d’avant-hier que m’apporte le vent gardent des inflexions qui blessent mon poignet. Hier pèse si lourd qui appuie l’imparfait, aux nerfs, aux ligaments. Qui essaie ses crochets, ses clous de dernière heure. Les mots arrivent las sur la page virgine, étranges et boiteux. Je préfère le pur que je ne connais pas, la parole des pierres, le silence des herbes, la constance des terres. A la fouille des os, la première nervure défend son territoire, Des racines aux feuilles, pas de péage pour la sève, souffle l’arbre. La flaque parle encore de la pluie à venir. Et la dernière face est un soleil de plus. Je ne veux pas d’amour mais l’amour. Un jour, je serai grande. Des chemins de traverses et des enroncements, du rêche des broussailles, je le ramènerai, ce bleu.
 
 Ile Eniger - Le bleu des ronces - Editions Chemins de Plume

Publié dans Ile Eniger

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