Les sauvés (Canada)
Dans un motel de Saskatoon j'ai lu laissé là
La voix de l'Évangile intégral des hommes d'affaires
bien différent de l'habituelle Bible des Gédéons
des magazines porno
ou du Quoi de neuf en ville
offrande entre le nu et le futile
et pourtant je veux savoir :
pourquoi les sauvés sont-ils rasés de si près ?
Pourquoi sont0ils si bien mis ?
Ils portent tous des lunettes
arborent des sourires permapress décalqués au fer chaud
des vendeurs d'assurances des fiscalistes
des entrepreneurs de pompes funèbres
ils entendent des voix à l'intercom
et prennent par télex des ordres de Dieu lui-même :
Serait-ce possible ? Dieu venait-il de parler ?
M'avait-il réellement appelé à devenir
chirurgien plasticien ?
Oui semble-t-il.
Aujourd'hui je façonne des visages pour le Seigneur
redresse le crochu.
Résignés ces hommes d'affaires jusqu'au-boutistes
ont conscience d'avoir découvert une mine d'or : la prière
suprême entreprise privée
quel sacré produit !
Et leurs femmes des vraies qui épaulent leurs hommes
se lèvent au signal
luisantes de blondeur elles tapotent d'approbation
leur halo de cheveux laqués
derrière chaque oreille se tamponnent
d'une goutte de droiture
portent des implants gonflés du silicone de la sincérité.
Sévèrement maternelles
elles savent ce qui est bon pour eux :
tous les ingrédients prêts pour un gâteau divin
et bien des cachets faisant foi
de leur rondouillarde obéissance.
Avant j'étais comme un avion fait pour voler
Parqué dans un hangar.
Maintenant que j'ai remis le manche au pilote Jésus
ma vie monte toujours plus haut.
Dans les lieux d'aisance du motel
Le couvre-siège m'apprend :
Ce monde a été stérilisé rien que pour vous.
Christopher Levenson
(traduit de l'anglais par Andrée Christensen et Jacques Flamand)