Le chant de l'herbe

Publié le par la freniere


C'est dans l'humilité de l'herbe que se trouvent la grandeur du monde, l'éclat de sa lumière, le bonheur ou la douleur des insectes. Elle perpétue le devoir de vivre, l'écho sans cri du soleil. Le même souffle irrigue la rosée du matin et la mousse des arbres, le brin d'herbe et le cœur. La pierre qui résiste aux hommes succombe au lichen. Les années font s'épouser la dureté minérale et la tendresse végétale. La chlorophylle déteint sur le vélin des plantes, celles qui s'apprêtent à vivre et celles déjà mortes. Que ferions-nous s'il n'y avait plus d'herbes ni de plantes ? L'herbe noire sous la lune cache des vers luisants. Ils répondent en silence au morse des lucioles. Chaque pluie se transforme en caresse et finit par trouver le sexe de la pierre, la salive de la mer, ses aisselles de mousse, la mémoire des feuilles, la trace des chenilles sur le nacre des tiges. Chaque orage nous laisse quelque chose, des plumes, du charbon, des trésors perdus, des bottines pleines de boue, le doux oxyde du temps, des tatouages de sel sur l'écorce terrestre. L'eau des ruisseaux grossit et fait des pas de géant dans un trou de grillon. La terre déchirée laisse passer la sève. La mer d'île en île répand son écriture de sel, de l'arbre au coquillage, du sable de la grève à l'œuf de tortue. Les oiseaux font leurs nids dans l'ossature du rêve. Le vent déchire la robe des parfums, les bras morts de l'eau noire, l'armure du silence. Égaré dans la ville, je me retrouve dans le fouillis des ronces. Dans le chaos du siècle, les pas de l'herbe enjambent jusqu'aux carcasses rouillées. La paille reverdit après l'assaut du gel et repousse toujours sous la douleur des pas. Toutes les fleurs du monde respirent le même air.


Publié dans Prose

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S
une prose poétique enracinée dans la nature où les métaphores éclosent à chaque phrase. Et cette "pluie qui finit par trouver le sexe de la pierre et la salive de la mer"...