Dans ce pays de neige

Publié le par la freniere


à Juan Garcia


À force jeter tant de rêve en pâture

l'horizon fait défaut et la voile s'affaisse.

Les arbres se suicident dans leur manque de sève.

L'espoir s'anémie en manque d'oxygène.

L'océan meurt de soif à même ses banquises.

Les oiseaux volent bas sans retrouver leurs nids.

La lumière s'éteint dans les yeux des enfants.

Le jour soulève à peine les paupières de la nuit

et les tisons retiennent la chaleur dans l'âtre.

De l'écorce à la chair et de la chair au cœur,

de la gorge aux poumons et des poumons aux lèvres,

je mords dans les mots pour me savoir vivant.

Devant l'éternité, l'infini, l'espérance,

les siècles se résument à quelques étincelles.

Les pas courbent l'échine car le sol est nomade.

Les titres des journaux se lisent comme une tombe.

Je dois cacher en moi ce qui reste de libre

et protéger le feu de sa propre chaleur.

À naître sans réponse au pourquoi de la vie

nous laissons notre enfance à la merci de l'âge.

Trop de lumière aveugle trébuche dans les ombres.

Dans cet hiver de force que m'impose le lieu

je veux la neige non le froid, la flamme non la cendre.

J'habite moins mon corps. Je déserte mes muscles.

J'affirme avec mon cœur ce que dément l'argent.

Dans ce pays de neige cherchant encore à naître,

dans cette vieille langue que les chiffres musèlent,

dans ce pays si vaste que l'on cherche à réduire,

je prétends réclamer ce que l'on me refuse.

Je suis ce que je rêve dans les mots que je dis.

Je suis ce que je dis dans le rêve des mots.

Mes regards dépassent la ligne d'horizon

en cherchant des images au-delà du visible.

 


Publié dans Poésie

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