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Publié le par la freniere


Un curieux malheur est arrivé aux utopistes. La mode s'est emparée d'eux et elle les défigure. Elle nous persuade qu'un utopiste est un anarchiste, quand il ne rêve que de contrainte et d'organisation. Platon, Campanella, More ou Cabet proposent un autre enseignement. L'utopie est une logique, non une figure poétique - un système clos, non une évasion. L'utopiste déteste le temps et il l'incarcère. Il se sauve des horreurs de l'histoire en élaborant un «contre-système» politique. Une ville utopique dessine un monde enchaîné, un état cruel, une algèbre de la vie sociale.

Ce livre traite d'objets aussi dissemblables que l'horloge, le cristal, les coléoptères, le navire, le jeu d'échecs, les automates, l'art héraldique ou le marquis de Sade. La disparate de ces thèmes est éclairante : elle suggère qu'au-dessous des territoires de l'histoire s'étend un autre sol, le sol froid, silencieux et blême de l'utopie : là, dans un espace inexaucé, les êtres, les choses ou les groupes s'associent et se divisent le long d'un réseau de lignes enchevêtrées : ces lignes sont inaperçues des hommes de l'histoire.


Gilles Lapouge

Publié dans Prose

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