Sans âge
Saurons-nous jamais ce que réserve l'instant d'après. Le savoir est obsolète devant une graine. S'éloigner de ce qui n'aime pas. Repiquer des salades dans un carré de sol. Laver ses mains au ruisseau. Laisser la première place aux images heureuses. La joie comme laitance de parfait plaisir. Un rien renouvelé de tout. Un sommet d'herbe, une flaque de pluie, des insectes affairés, un clocher fidèle aux heures, des oiseaux amoureux, le chaud des murs d'été. D'autres choses, inutiles à nommer tant elles sont. Ici dans le haut du haut, on ne vient pas chercher la seule prière, on vit, on rit, on entend même la parole des pierres depuis l'unique voix du ventre de la terre. De partout à partout un grand cinéma naturel sans fanfaronnades d'hommes. On essuie son front avec son bras, la sueur laisse une trace, on rit parce que ça chatouille. Et qu'importe le temps d'avant ou d'après. Les cimes d'arbres penchent et protègent. L'ombrelle d'air tamise le soleil. Le ciel arrose les récoltes. La campanule escalade le grillage. On ne sait rien, que cette jubilation sans âge. On abrite un carnet, c'est déjà un trésor.
Ile Eniger - Un cahier ordinaire