L'Autre Versant

Publié le par la freniere


Un poème long est comme la voix du chanteur, difficile à tenir égale
jusqu'au bout, sans chute du souffle. Ce qui me semble ressortir de tous tes
poèmes, c'est cette égalité de ton et d'invention, sans académisme, d'un bout à l'autre.

Pour moi, la poésie n'est pas une façon d'écrire, peindre ou chanter, dont
elle peut très bien se passer, mais une façon d'être. Mes deux plus grands
moments d'approche de la poésie : La première je l'ai eue dans le désert
afghan où je n'étais pas un touriste mais l'hôte d'une tribu. Le soir, près
d'un feu, un homme est venu raconter une histoire avec dans une main une
fleur et dans l'autre une hache. Je n'ai rien compris à sa mélopée ponctuée
de gestes mais j'ai senti que peu à peu, je devenais cet homme. Etrange
impression que donne la poésie en ses sommets, que celui d'être l'autre. Le
passage se faisait par le geste seul. Mais il y avait cette autre chose
impossible à nommer qui était poème.

Une autre fois j'étais dans une gumpa bouddhiste au Ladak. Il y avait cette
incompréhensible ensemble de voix rauques, sur lesquels agissaient tantôt
des timbres de cuivre et tantôt le son grave des trompes. Et peu à peu,
j'étais eux tous, sans rien comprendre ni être bouddhiste. Bien sûr, on peut
dire qu'ils m'avaient conditionné avec leur système séculaire. Et c'était
vrai, bien sûr, mais on peut aussi bien dire que là était un échange poétique
essentiel, au plus haut niveau humain, et des plus surprenants. Quand je
suis sorti dans le désert, je n'avais pas changé, mais le désert, lui,
n'était plus le même.

(tiré d’une lettre à l’auteur)

 Yves Heurté

L’autre versant « ou l’absence au milieu du cœur »

mercredi 1er mars 2006.

 

Les éditions Chemins de Plume s’enrichissent aujourd’hui d’un livre qui contient toute une vie dissimulée sous les feuilles du souvenir. Avec L’autre versant Jean-Marc La Frenière nous offre un recueil où l’absence tient toute la place, de la première page à la dernière ligne.

Cet auteur canadien porte jusqu’au sommet de la tour la déchirure d’une séparation entre la source d’hier est la clé du silence. Il existe des coeurs attachés à une âme et lorsque le destin se jette sur la Faux, il frappe le bonheur d’un vertige foudroyant.

 La vie semblait trop courte et le rêve trop grand pour habiller d’amour ces heures de tendresse. Heureusement, la neige n’efface que l’empreinte si fragile de nos pas sans atteindre le murmure de nos confidences. La compagne du poète est partie si rapidement, telle une phrase suspendue à la tiédeur d’une bouche, que le vide aussitôt, voulut prendre sa place, mais le verbe, comme un enfant de lumière, lui a ravi l’espace.

Dans ce recueil, la poésie se fait chair, se fait femme, se fait éternelle. Elle peuple chaque vers d’une présence si réelle que le sang frappe à l’artère des mots. L’amour de Jean Marc La Frenière brise le sablier infernal et soulève le temps au-dessus de sa roue. Tout se fige à l’ombre encore frémissante. Céline éblouit le paysage et semble réinventer chaque geste du quotidien. Elle est le présent mais aussi le futur. L’un et l’autre tournent dans l’arène du passé, couvrant chaque image d’ecchymoses. La caresse semble si proche du corps du poète que le lecteur peut réellement sentir le frôlement d’une main, le déplacement d’un corps, respiration au pays du souvenir.

Nous entrons non plus dans un livre, mais dans un monde, où l’artiste blessé met à nu la racine d’une autre vie, celle que la coulée du cœur alimente sur l’île imaginaire qui précède le départ de l’Aimée.

Ne nous y trompons pas, voici de la très grande poésie où la présence d’une âme recrée le rêve et pousse la mort vaincue dans le brasier de l’amour.

Le verbe sur les ailes de la métaphore transporte le lecteur au-delà des mots. Cette poésie dans toute sa pureté, dans toute son innocence, n’aime et ne parle que de la vie, qui porte le feu jusque dans les entrailles du lecteur.

Il semble impossible de refermer ce recueil comme on repose un ouvrage ordinaire, car cette lecture transfigure les êtres qui entrent dans le miracle absolu de l’absence.

Chaque mot ressuscite la parole, chaque vers retrace la course immobile du poète. L’espoir, qu’effeuillent les heures, ne s’épuise jamais sur la croix des soupirs.

Je recommande chaleureusement ce recueil de Jean-Marc La Frenière car il représente le rêve impossible de l’amour et de l’absence. Ton regard, lecteur, après cette traversée éblouissante et terrible, se posera sur l’autre versant du monde et ton être sera à jamais différent.

 

" Quand je ferme les yeux
c’est encore toi qui rêves derrière mes paupières.
Je n’irai plus pour toi dévaliser la mer
ni faire le marché dans les plis du soleil.
Je n’irai plus pour toi fleurir le nid du cœur
ni ramasser des oeufs qui gisent en débris.
Je reste seul debout sous le mépris du temps
avec ta mort stupide qui enfle dans mon coeur.
Couvert d’ombre et de larmes
je n’y suis pour personne.
Je ne frappe plus aux portes
pour réveiller les hommes.
Mes mains ne servent plus
qu’à chercher ta présence.
Mes mots ne servent plus qu’à dire ton silence.
Tout ce qui manque au monde
y manque plus encore.
Je me perds de vue
comme un vêtement sans corps."

Victor Varjac

 

"On croit changer le monde
sans rien changer à l'homme"

Un des plus beaux recueils de Poésie qu'il m'ait été donné de lire, une force d'amour déchirante irrigue ce poème sans fin, cette échappée belle au-delà de la vie et de la mort. J'eusse aimé que cette épopée d'amour tragique n'ait jamais été écrite: en elle gît notre réalité la plus profonde, et ce passage insensé de la Présence illuminante à la Disparition définitive ouvre une brèche éclatante dans l'inertie apparente des jours où les fossoyeurs du Temps des Cerises n'ont de cesse de jeter l'opprobre sur tout ce qui grandit notre existence livrée à la falsification permanente du coût de la vie décrété par les mercenaires qui font régner la terreur sur la terre. Jean-Marc La Frenière s'est dépouillé de tout ce qui n'est pas l'Amour:

"...Je t'écris

 Je t'écrirai toujours,

du non-sens à la rage, de la blessure au cri,

de la douleur au geste, de la douceur au gouffre

jusqu'à creuser ma tombe...."

La poésie reste à ce jour l'ultime refuge des hommes et des femmes qui se risquent sur les territoires ultimes de l'amour fou.

André Chenet

 

Pour commander ce livre (12 euros):
chemins deplume@yahoo.fr


Publié dans Prose

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