Il pleut, bergère (France)
La poésie nous paie avec des chèques en bois. Pas plus que les tables ne tournent - elles se balancent, craquent, voire se déplacent, les étoiles dites filantes ne filent; ce sont des météores.
Il en va de même de la plupart des noumènes et phénomènes. Ainsi des aiguillettes nouées de Kant, des chaussures somptueuses du ministre, du big bang, des belles couleurs du bousier et de la présente prose qui voudrait courir d'un bord à l'autre de la page mais à grand peine à seulement marcher.
Cela dit, je n'ai jamais offensé personne, mais la calomnie ne m'a pas épargné. Quant à mes mots, ils font un peu ce qu'ils veulent mais je les fais rentrer dans ma tête dès qu'il pleut, il pleut bergère. Ce n'est pas moi qui ramerais sur le lac pléonasmique de Lamartine, ni ne grimperais sur les amers de Saint-John Perse. Plutôt relire pour la millième fois Baudelaire, même si parfois, il s'empêtre dans les adjectifs et les adverbes, ou foutre le feu, avant que Cézanne ne revienne la peindre, à la montagne Sainte Victoire sous prétexte qu'elle me cache Pétrarque escaladant le Ventoux.
Jean Rousselot