Ils ont dit

Publié le par la freniere

 

Mon espoir, je le mettrais dans une espèce d'instinct de conservation culturelle. Je sais que ce n'est pas très à la mode. Et aussi dans une confiance en la mémoire. Tant que la mémoire pourra être opposée à l'oubli, tant que le respect de la culture viendra combattre l'obscurantisme, l'ignorance arrogante et l'analphabétisme insolent,  il y aura, malgré tout, de l'espoir; et une façon de ne pas précipiter ce qu'Octavio Paz appelait superbement et cruellement «le crépuscule de l'avenir».


Je m'en remettrais volontiers à la culture pour nous sauver. «Le monde sera sauvé par quelques-uns»; je crois que c'est peut-être de ce côté-là qu'on les trouvera ! Je crois que le combat de Salman Rushdie contre toute une communauté vociférante et intégriste est une formidable leçon de courage, qui dépasse le cadre même de la culture. C'est le combat d'un homme pour la survie de tous, pour la survie de l'humanité. Le philosophe allemand Adorno disait : «Après Auschwitz, tout poème est presque inconcevable.» Ça a l'air brillant, ça a l'air vrai, même Sartre disait, sur un autre mode, qu'en face d'un enfant du Biafra qui avait faim, La nausée - son livre - ne faisait pas le poids. Je n'ai jamais compris ce genre de rapport dialectique qui, dans les plateaux d'une balance, confronte la misère humaine et une œuvre d'art. L'œuvre d'art n'est pas là pour consoler, ni pour compenser ou équilibrer le mal; elle est une petite arme, modeste, pour faire reculer la brute; au prix d'une certaine magie; et je crois à cette sorte de sortilège.


Pierre Mertens


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