J'oublierai de mourir
Tu me tricotes la tendresse et tu brodes l'azur. Un point. Un autre point. Une ligne infinie. Une maille de caresses. Une autre de baisers. Ton fil est si pur. Tu me fais comme une double peau tenant lieu de tendresse, un tricot d'espérance, la petite laine du cœur. Je reprends souffle et chair. Je reprends pied. Je reprends voix. Je reprends vie pour traverser la mort comme un nouveau départ. Je reprends jusqu'à nous mes je éparpillés. Pose ton front sur mon cœur, ce qui arrive est nous. Dans la grande nuit du monde, tes yeux me font lumière.
Je t'appelle depuis le fond des choses avec les mains pleines de douceurs, les yeux éblouis, le cœur ébaroui. Nous nous ferons l'amour, la bonté, l'absolu. Tu m'entends, je le sais. Depuis toujours, depuis demain, depuis là-bas. Chaque fois que tu m'appelles, je frissonne. Mon cœur bat plus fort. Brisant sa petite cage de verre, toute mon eau coule vers toi. Je t'embrasse et je ris. Il n'y a plus rien d'autre. Il y a nous. Il y a tout. Je fonds en larmes, en jubilations, en remerciements. Je me refais en toi. Nos lèvres, l'une sur l'autre, nous réchauffent le ventre. Toute la pointe aigue de mon âme vibre vers toi. Nous étions faits pour nous rencontrer. De plus loin que nous, de plus loin que le phylum des ancêtres, de plus loin que tout.
Après l'hiver, quand tout le reste fond, nos baisers subsistent. Ils courent dans la sève et font grimper les fleurs. Je ne sais rien encore de la vie, de la mort. Je sais ta peau contre la mienne et cela me suffit. Je n'ai plus besoin de réponses ni même de questions. La mer qui m'appelle, ce sont tes bras avec leurs doigts de pluie. La terre qui me porte, c'est ta vie. La route, c'est nous-deux. Je me laisse porter par tes mains sur mes épaules, tes lèvres sur ma peau, tes mots dans mes oreilles. Tes voyelles de jour s'emmêlent à mes consonnes de nuit. J'enfile tes mains comme des gants de bonheur. Je te prête les miennes. Fais-en ce que tu veux mais surtout des caresses. Je te donne tout de moi, de la parole aux gestes. À t'aimer comme je t'aime, j'oublierai de mourir.