Herman Melville
L’ultime poème terminant Billy Budd, dernière œuvre d’Herman Melville.
Alors le prêtre entra dans la baie solitaire
Et les genoux ployés invoqua le Seigneur
Et pour vous et pour moi Billy Budd. Mais vois !
Les rayons de lune insistent au hublot
Luisent à l’arme du gardien s’attardent à mon visage
Mais la lune mourra à l’aube de mon dernier jour
Demain à la vergue je deviendrai poulie
Et perle suspendue pareille à celle que jadis
J’attachais à l’oreille de Molly
Ô c’est moi c’est bien moi et non le jugement
Qui pendrai sur le ciel du matin
Oui tout est prêt et suis-je prêt aussi
Pour monter de l’ombre dans la hune ?
Cela fait mal quand on a faim
Qu’ils me donnent au moins les miettes d’un biscuit
Il se trouvera bien un ami à me tendre
La coupe du départ
Mais qui en détournant les yeux du palan et de l’amarre
Ah ! qui mon Dieu me hissera là-haut ?
Point de cloches pour l’appel à ces drisses
Peut-être n’est-ce qu’un simulacre
Car la larme d’un rêve embrume mon regard
Faille dans mon armure ? ô seul à la dérive ?
On sonnerait au jus Billy n’en saurait rien ?
Mais Donald a promis qu’il lâcherait la planche
Je serrerai en sombrant une main amie
Mais non je serai mort déjà pensons-y
Il me souvient de Taff le Gallois lorsqu’il fut englouti…
Sa joue était pareille à la rose sauvage
Mais moi roulé au linceul du hamac
Comme ils me lâcheront à la mer profonde
Profond toujours plus profond
Quel rêve bercera mon ultime sommeil !...
Je le sens qui me gagne déjà
Sentinelle es-tu là ?
Dégage un peu les fers à mon poignet meurtri
Et que c’en soit fini jette-moi à la mer
J’ai sommeil et les algues au fond
Enlacent ma torpeur.
Traduction : Michel Garneau