Je rêverai (Palestine)
Je rêverai, non pour réparer les chariots du vent
Ou une avarie de l’âme.
La légende est à sa place, piège
Dans le cours du réel.
Le poème ne peut modifier un passé qui passe
et ne passe pas
Ou interrompre le séisme.
Mais je rêverai,
Dans l’espoir que des pays s’agrandissent pour m’accueillir,
Tel que je suis,
Un des habitants de cette mer
Qui a renoncé à l’interrogation difficile :
« Qui suis-je ici-là ?...
Le fils de ma mère ? »
Les doutes ne m’assaillent guère.
Les pâtres et les rois ne m’assiègent pas.
Mon présent, comme mon lendemain, sont avec
moi
Et avec moi, mes petites éphémérides.
Chaque fois qu’un oiseau égratigne un nuage,
je note :
Le songe a délié mes ailes. Moi aussi je vole.
Car tout être vivant est oiseau et moi,
Je suis moi et rien
D’autre.
Extrait de Murale, Mahmoud Darwich, Actes Sud, 2003.