Olympia Alberti
Ecrivain (poète, romancière, nouvelliste, essayiste), docteur-es-lettres, chroniqueuse littéraire, et d'autres choses qu'elle ignore encore d'elle-même, Olympia Alberti écrit (plus d'une vingtaine de livres à ce jour), aime, voyage, donne des conférences et essaie, chaque jour, de ne répondre à la haine que par l'Amour. C'est passionnant. Il y a bien quelques prix littéraires (Prix des Créateurs, Prix George Sand, un Prix de Poésie de l'Académie Française, un prix de l'essai biographique, pour Rilke Sans Domicile Fixe, et un prix de la Critique littéraire de l'Académie Française pour Giono le grand western), et quelques traductions de ses livres en Chine, en Inde, en Amérique Latine.
Un jasmin ivre, Prix des Créateurs, (Albin Michel, 1982)
Une mémoire de santal, (Albin Michel, 1983)
La Dévorade, Prix George Sand, (Albin Michel, 1985)
Rive de bronze, rive de perle, (Actes Sud, 1989)
La Sarabande, (Le Rocher, 1991)
13, rue Saltalamacchia, collectif, (Le Ricochet, 1997)
Les enfants reviendront après l’Épiphanie, (Le Verger éditeur, 2002)
Le Noyau de safou, (Albin Michel, 1987)
Promenade des Anglais, (Melis, 2001)
L’Amour palimpseste, suivi de La Dernière lettre, (Albin Michel, 1982)
Cœur rhapsodie, cœur absolu, suivi de Requiem, (Albin Michel, 1985)
(Prix de l’Académie Française pour l’ensemble poétique, en 1986)
Croire vivre, avec André Marzuk, (L’Amourier, 1998)
Lettres d’un enthousiaste, Emile Zola à Antony Valabrègue, (Editions HB, 1997)
Bleu Silence, avec André Marzuk, (Le Ricochet, 1997)
Rilke Sans Domicile Fixe, (Christian Pirot)
(Prix de l’Essai de la SGDL 2000)
Giono Le grand western, (Christian Pirot 2001)
(Prix de la critique littéraire de l’Académie Française)
On n’en finit pas avec l’amour.
Où en finit-on avec les racines, la vérité et l’infini ? Le jour où l’on en finit avec l’amour, on est plus mort qu’un mort, qui peut-être est parti dans la douceur et l’acceptation. Rayé de la carte des vivants, on retourne dans l’inaccompli.
Croire vivre, et ne plus faire qu’exister.
Bois sec.
Ma vie n’est faite que d’amour.
De tout le reste elle est “ défaite ”. C’est d’une matière qu’il s’agit, d’une manière aussi – de respirer –, d’un tissage d’air, de feu et d’eau ; mais pour se dénouer, et vivre la défaite, 1’accepter dans son enseignement et son annonciation, il faut aimer beaucoup. Il faut aimer encore, et accéder à cette réserve que Dieu nous garde pour les jours obscurs. Qu’on appelle cet espace, entre le cœur et 1’âme, tendresse, grâce ou pardon, il se donne au même paysage intime – mais c’est le contraire de 1’oubli, de 1’indifférence et de l’orgueil. C’est de 1’amour, comme d’une matière, comme d’une manière d’être. Au monde et aux autres.
D’être à 1’écoute de ce qu’aimer peut faire ou devenir, j’ai gardé en moi une place pour “ ça ”, immense et sans nom, et peut-être cet espace s’est-il maintenu, île ouverte, de se prendre aux caresses des instants secrets. Ce regard d’âme sur le monde, peut-être ne m’a-t-il jamais quittée, je n’ai pas réussi à m’en défaire, pas plus qu’à me distraire du cœur battant de vivre, et j’ai là habité à demeure d’indicible – c’est avouer le combat pour oser, chaque fois que j’ai pu y accéder, cette profération de 1’intime, la proclamer unique reconnaissance, et seule vérité.
Ma vie n’est faite que d’amour. Pour le reste, elle est une défaite. Et ils en reviennent toujours là, mes jours, à ce point d’ardue, d’ardente lumière où les choses sont justes, sues comme un chant exact, et s’inscrivent dans l’éternité.
Ce que j’entends encore, c’est ce tremblement dans ta voix quand tu évoques et réveilles l’émotion que te causait l’obligation d’être du côté du médecin, de devenir son allié contre moi -pour me sauver de pire, il fallait recoudre, vite. Respect qui allait à la petite lutteuse cabrée, choquée qu’on lui infligeât de la douleur, là inévitable. Mélange d’admiration et d’humour face à une situation où les larmes d’une toute petite (quelque chose de plus résigné a langui), eussent dû l’emporter. Ce qui me stupéfait et m’enchante, aujourd’hui, c’est de comprendre que ma révolte m’a sauvé de plus loin, en amont : elle a été un écran de merveilleuse protection de moi-même. Je venais de me réjouir de ces cerises - et je me blesse. Et pourtant, rien jamais dans cette existence ne m’a empêchée d’aller vers la joie, rien ne m’a jamais rendue prudente, méfiante, moins offerte à la jubilation innocemment très réjouie d’une perspective de bonheur. La blessure n’a pas eu raison contre l’élan, le petit malheur ne l’a pas emporté sur la beauté de vivre.
Il prend conscience que pour faire signe, il faut voir, recevoir et donner, consentir à l’empreinte du pas résilié d’or. L’âme ne travaille-t-elle pas l’être, comme un levain, jusqu’au visage ? Ne devient-on pas ce que l’on éprouve ? Il voudrait tellement mériter la vision, enfin, le frôlement dense et chuchotant, près de sa joue, il voudrait encore et encore ce froissement si proche de son oreille qu’il éprouve alors la sensation que cela nait à l’intérieur de lui-même. Va-t-il bientôt traduire en triomphe pour le regard cette suffocation de tourterelle, près de son cœur ? Il veut rendre la beauté, en la gardant - et il ne faut rien garder : il sait que là est la souffrance. Lâcher prise, lâcher, la donner toute. Ainsi ne serait-elle pas un peu à lui ? S’il pouvait devenir le geste pur de ce qu’il pressent, transmuer cette énergie d’amour en harmonie, faire lever des aurores dans des vies en prison, il ferait là œuvre de ... poète. Il faudrait des siècles pour le lire, il serait inépuisable, comme un livre d’aube...