Pour en finir avec la mort (extrait)

Publié le par la freniere

(…)

Abeille par abeille, épine par épine,

je déplie la rosée jusqu'au pollen de l'air,

jusqu'au miel du cœur.

Je refais grain à grain

le chemin de la terre qui chante ses racines

pour arriver au ciel.

Je refais vague à vague le ressac de la mer

pour arriver aux sources.

Je refais une à une les lignes de la main

pour arriver au cœur.

Je refais pain à pain le chemin de l'aurore,

de la soif à la faim, du regard au désir, 

de la lèvre au baiser, de la musique au geste.

Je refais peau à peau le chemin de l'étreinte

pour arriver à toi.

Je refais pas à pas le chemin de l'enfance

pour arriver à nous.

Je refais mot à mot le chemin du silence

pour arriver à tous.

Avec ma voix de brebis égarée

mes paroles s'emmêlent au sourire des clochards.

Mes larmes sont de soufre dans les grains du désir.

Je laisse ma douleur interroger la vie.

Me voici devant tous comme une rue déserte

avec l'ombre et les rats, avec les drames du cœur,

avec les clochards qui chantent la misère

sur les bouches de métro,

avec les chiens galeux qui hurlent à la lune,

avec les rotatives qui saignent à la une.

Des enfants mangent de la neige à défaut de bonbons

et les ados la sniffent à défaut de rêver.

Les rayons du soleil ont des balles dans la peau.

Chacune de mes paroles est une touffe de révoltes

contre l'or et les dieux.

La faiblesse des morts n'est pas assez pour les banquiers.

Ils bâillonnent l'espoir et les cris de bonheur.

Ils parlent de l'amour comme on parle d'une arme

le doigt sur la gâchette.

Les bras tendus vers l'impossible, les poings dressés vers Dieu,

les mains pleines d'inconnu et le feu dans la gorge,

je remonte à cloche-pied l'histoire des hommes.

Je retrouve partout les mêmes vieilles souffrances,

les mêmes fours crématoires, les mêmes statues de bronze

où je reviens pisser comme un chien d'infidèle.

(...)

 


Publié dans Poésie

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