Après le pas
Je suis mort, un peu, dans chaque montre. L’aiguille pointe, maladroite, sur la brièveté de l’instant. Dans la fosse les créneaux s’emmêlent en tournant. Je suis immobile, et l’espace se fronce autour de moi.
Je me suis habitué à exister en dehors de ma chair. L’air qui passe, s’en va en soulevant la robe de la terre. Le bruit des feuilles est un incident à bout de souffle. L’automne chasse les grives. Le ciel est bas. Il couvre à peine les pas qui nous suivent sur cette route froide où le sable attend la moulure.
Je suis vivant, après chaque bouffée qui s’éclipse. Mes membres se fendent, et perle la voix que la mer tenait dans ses bras. Une quille flotte sur l’horizon. L’air rompu cerne l’altitude. Nous sommes sous serre. La parole est dans ce bocal de verre retourné. Vide.
Je tiens le sol pour langue. Les lèvres de la terre plient dans le sourire d’un désert. Ton cœur est une poche où je suis perdu. Mon existence s’abreuve de l’air qu’elle délaisse. Mes mains touchent à la rognure de la marge. J’attends que le trou s’agrandisse.
Nos regards s’épuisent à ne voir que le feu où nos mots s’entrouvrent. La nuit n’atteint pas le noir. Elle est piratée par la liqueur qui coule dans les veines de ta clarté. Ce qui me givre a le goût du brûlé. L’usure est une source où fond l’épaisseur de nos chagrins.
Comment vais-je pouvoir dire à la mer qu’elle n’existe pas ?
Le soleil siffle pour réveiller les moineaux. Le ciel d’octobre ressemble à une jachère crayeuse, et je prends le maquis pour ne pas être anéanti par le ronronnement du givre.
Je suis sur le mur inaltéré des pierres qui bavardent. Le paysage qui s’empare de nous, laisse le blanc derrière la motte où se cachent nos visages. Ce qui renoue l’arbre à la forêt, le ruisseau à la source, se prolonge après la porte déjà ouverte. Un coup de fusil retentit dans le lointain. La chasse est ouverte, et mon cœur est cette cartouche qui gît à tes pieds.