Au commencement...
Il n’y a pas de commencement, pas de Dieu se mouvant en esprit sur l’abîme, rien que l’obscurité profonde de l’univers, un vide infini que ne rythme le battement d’aucune montre, pas même un rayon d’astre à son couchant…
Il s’est trouvé pourtant que parmi tant de planètes brûlantes ou glacées, tant de cailloux, de gaz, de déserts, de ténèbres et de matière brutale, la Terre est apparue…
Ce fut un miracle, une erreur sans doute : une conjoncture inouïe de poussières et de pluies, lourdes d’abord, inondant les plaines et couvrant les montagnes, puis diminuant peu à peu en averses plus fines.
Il est arrivé que se dissipent ainsi le gaz et la fumée, que l’air devienne respirable, et que ce qu’on appelle la vie s’installe sur cette Terre. Qu’elle s’y trouve bien et s’y complique, en formes de plus en plus nombreuses.
Il est même arrivé que parmi toutes les plantes et tous les animaux, une espèce de grand singe laisse tomber sa peau de bête et se redresse : cet étrange point d’équilibre, cette marche qui hésite un peu, quand dans l’ennui des millénaires le temps commence, cela s’appelle un homme…
Celui-là apprend à parler et se met à tracer des signes. Il se fait une certaine idée de l’origine des choses. Il s’est donné des lois et des principes, plus ou moins approximatifs…
Il est la tête d’épingle de la Terre. Son point de vibration le plus intense. Pourvu de conscience, tracassé de désirs, éprouvant des chagrins, inventant des histoires… Il voudrait bien parler d’amour. Sensible à ce qui est, soucieux de ce qui pourrait être…
Il est apparu là pour rien, sinon cet extrême désarroi, prêter sa voix à cet instant où le monde est pris de vertige…
Quelques tracés témoignent encore, pour peu de temps, de son passage.
Jean-Michel Maulpoix