Celui
Au fond du jardin, vous avez choisi un endroit herbu et calme entre les oliviers, face à la vallée, un lieu ou la lumière descend et demeure. Là, vous avez creusé un trou assez grand pour la poser dans le linge doux qui l'enveloppe. Des images que vous croyiez oubliées voltigent dans l'air doré comme le poil fauve de la petite bête. Treize ans de compagnonnage font halte ici, un jour d'automne clair, au milieu des chants d'oiseaux et des cascades de sauterelles. Quelque chose d'une belle vieille entente quitte sa peau et entre en souvenance. Jetant de la terre sur le petit corps raide, vous pensez à la superbe boule de poils qui coursait d'une souplesse fulgurante les autres matous hors de son territoire. Vous pensez à la présence, la proximité qui change de forme. Vous pensez ensemble mais vous ne parlez pas. L'ordre des choses se passe de mots. Simplement, quand la terre et l'herbe ont repris leur place, que le trou n'existe plus que dans la tristesse du cœur, lui range la bêche et la pelle et toi tu dis : ce n'était pas n'importe quel chat, c'était celui que nous aimions.
Ile Eniger