Épitaphe
Le poète et journaliste argentin Juan Gelman vient de mourir à Mexico à l'âge de 83 ans.
Un oiseau vivait en moi.
Une fleur voyageait dans mon sang.
Mon coeur était un violon.
J'ai aimé ou pas. Mais parfois
on m'a aimé. Moi aussi
je me réjouissais : du printemps,
des mains jointes, de ce qui rend heureux.
Je dis que l'homme se doit de l'être !
(Ci-gît un oiseau.
Une fleur.
Un violon.)
Épitaphe, premier poème de son premier livre
*
Qu’est-ce qu’on sait?
Du poème, rien. Il vient, tremble
et craque une allumette éteinte.
On en voit quelque chose ? Rien. Il a une
main pour attraper
les vaguelettes du temps qui passent
par la voix d’un chardonneret. Qu’a-t-il
saisi ? Rien. L’
oiseau a fui vers le non prononcé
dans une chambre qui tourne sans
souvenirs ni attends-moi.
Il y a beaucoup de noms dans la pluie.
Qu’est-ce qu’il sait le poème ? Rien.
Juan Gelman
Traduction de Jacques Ancet