Il n'y aura pas de repos

Publié le par la freniere

Parmi le harassement des exigences, celle de ne pas s’endormir en chemin, celle de ne pas s’engourdir les sens dans l’alcool du désamour, celle de ne pas fuir la douleur évidente, ni son feu violet quand elle pénètre, ni le vulnérable et sa nudité plus que nue plus que profonde;  celle de ne pas tricher, celle de rester seul à marcher seul, celle de rester debout alors que tout ce que tu portes voudrait se rouler en boule, se clore avec une perle dans la bouche, se cacher dans un sommeil huileux, ou enduit de frimas luisants, oublier comme un papier dans l’eau se délie lentement dans ses fibres, diluant ses encres;  celle de tenir toujours ta présence la plus entière possible sur un seuil neuf, celle de ne pas se jeter derrière soi, celle de laisser la peur ou la panique te traverser jusqu’à ce qu’il ne reste plus que toi, un plein toi, tremblant d’être encore vivant;  celle d’accepter que le sel coule de toi malgré toutes les réticences, celle d’être plus vivant que toutes tes morts cumulées de vivre, celle d’être aussi laid que beau, celle de tous tes contraires, celle de rester hors de la plainte et au-dessus d’elle, au-dessus d’elle à tout prix;  celle d’ouvrir ce chemin que toi seul peux ouvrir;  celle d’être une infime part d’un corps immense constitué de milliers et de milliers d’autres, celle de ne pouvoir jamais connaître cette créature un jour, il n’y aura pas de repos.

 

Catrine Godin

Publié dans Poésie du monde

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