J'écris 3
J’emmêle mes jurons
à la faim des oiseaux.
Je mêle à la douleur
la tendresse des fleurs,
le fer à la douceur
et le miel au béton.
J’enfonce ma semence
dans l’utérus du temps.
Je suis grain et caillou,
fait d’atomes et d’étoiles,
amas de molécules
qui ruissellent en chant,
magma de galaxies
à la poursuite du sens.
Les rêves les plus fous
sont encore les plus beaux.
Je suis rivière et terre,
fait d’avoine et de feu.
Je suis dans le vieillard
qui pardonne à la mort,
dans les pas de l’enfant
qui se relève encore
et s’apprête à courir.
Je suis la pierre et l’eau,
la montagne et la mer.
Je parle pour chacun,
pour personne, pour tous.
Je suis comme chacun
pareil au vin, au blé,
à la table bancale,
à l’abeille nouvelle
dans le pollen ancien,
pareil à la poterie,
la musique des mains
sur l’argile des choses,
pareil aux hanches nues,
au ber, au cimetière,
au hurlement du loup
dans la gueule d’un agneau.
Je suis la chair et l’os,
la mine, le crayon,
l’encre sur le papier,
les lignes sur la main.
Je suis dans l’étranger,
l’étrange, le non-dit,
celui qu’on ne voit plus
quand la foule s’éloigne,
la sébile du gueux,
le journal mouillé
qui lui sert de drap.
Sœur de l’eau, frère du vent,
je suis l’homme et la femme,
à la fois graine et fleur
et la saveur du fruit,
les deux ailes du temps
faites de lave et de froid,
le fromage bleu qui pue,
le vin qui chante,
l’eau qui a soif
dans la bouche d’un puits.
Je traîne dans mon ombre
mon Richelieu d’enfance
venant jeter ses rives
à l’estuaire du monde.
Je suis la menthe et l’origan,
les sources invisibles
d’où jaillissent les pluies,
l’envers des ombres blanches
que la neige fait voir.
Je suis doute et déroute,
la pupille des sommets,
l’argile des ténèbres.
Je suis sable et seconde,
le refus des rebelles,
le grand oui du printemps,
l’idée hors de sa cage
et le serpent dans l’ombre.