J'étais une fleur dans ton regard
Tout est devant. Devant quoi ou devant qui ? Je n’en sais rien. Cet inconnu charrie avec lui l’éclat perdu, arraché à la terre. J’ai trop longtemps négligé l’insignifiance des feux imaginaires. Je suis ta trace comme un cerf-volant s’embrouille dans ses propres fils. Seuls, les vents contraires étaient visibles. J’étais terriblement abattu par ton départ. On est toujours trop coupable à demeurer vivant quand l’autre nous quitte. Tes cendres m’ont servi de sablier sur les rives du temps. Je ne savais pas rester impunément vivant dans l’après toi. Le talon du vent en pleine figure, je couinais comme une poulie rouillée.
Nous nous sommes dévêtus des bourrasques anciennes qui coiffaient le petit chemin Saint-Georges que nous empruntions pour nous rendre à l’école. Nos pas d’écoliers ressemblaient à une farandole et nos craintes de la maîtresse se déboutonnaient sur ce parcours. Petit chemin bordé d’arbres et d’herbes fraîches, nos cartables sur le dos et nos mains liées à nos sourires complices. Toi, soleil ébouriffé de lumière, tu réchauffais le goudron encore humide de la nuit nonchalante qui l’avait bercée. Déjà à cet âge enfantin, tu m’accompagnais vers la découverte.
Toujours cet écho et sa source invisible. Chair de poule intarissable. Mon enfance engoncée dans la manche du gilet, je te tends la main. Tu flottes encore dans le bain de lavande où tes yeux fument comme un mégot mal éteint.
J’ai toujours trop vécu dans le corset de tes yeux. J’étais une fleur dans ton regard.
Les jours de mauvaises besognes, des chiffons froissés traînent au fond de ma gorge. Tout ce qui est parti revient encombrer les rives du fleuve que nous avons parcouru. C’est dans ces instants là que je suis le plus démuni. Tout me semble si lointain qu’un simple souffle de proximité me désarçonne. Ta voix remue dans mon ventre et je suis perdu dans l’émotion comme un navire au fond de la mer.