L'amour est un lieu
Tu n’es pas mon premier amour. Tu es bien plus. Tu es mon dernier amour. Lorsque j’entends ta voix, la fulgurance de l’instant annule tout le reste, le trop minable quotidien, les dernières nouvelles, les mauvaises raisons, l’appétit des banquiers affamant le Tiers-Monde, les coups bas, les coups de gueule. Mes oreilles sont en fleurs. Mes regards étincellent comme les grands lacs du Nord. Nos possibles se soudent dans une certitude. Je t’aime. Tu m’aimes. Nous nous aimons. Nos amours de papier se transforment en caresses. Nos baisers de pastel s’incarnent sur la bouche. Nous tenons la lumière bien serrée sur la peau. Ensemble toi et moi, les distances annulées, l’amour est un lieu. Ici ou ailleurs, mon pays est en toi.
Tu donnes corps à l’impossible. Je sais pourquoi je vis. Je sais pour qui je vis. Depuis que tu es là, je n’ai plus touché terre. Les mots sont malhabiles à dire ta beauté Même les manches retroussées, leurs phrases étouffent sous la chemise du réel. Aucune image ne rend la lumière de tes yeux. Rien ne rend compte de toi si ce n’est la bonté. Seules les pages mises à nu laissent place à l’amour. Je n’aurais jamais cru donner corps au sublime, incarner l’absolu. Tu as su m’offrir ce qui n’appartient qu’à nous. Il n’y a pour nos yeux que la vue verticale. Il n’y a pour nos corps que la vie verticale. Toujours plus haut, mon amour. Nos atomes se donnent à la danse du ciel. Nos pas grimpent sans cesse d’une lumière à l’autre.
Quand je t’écoute, il m’arrive de voir à travers mes oreilles. Me vois-tu lorsque j’ouvre mes lèvres ? Je suis, là, dans mes mots. Tu es là, plus présente que tout, plus entière que le monde. Je prends mille chemins pour aller jusqu’à toi, toutes les routes à la fois, mille sentiers dans un pas, mille gestes dans un seul, mille baisers sur les lèvres. Ce ne sont pas les mots qui manquent pour te dire, c’est toi qui es trop belle pour la force des mots. Ce ne sont pas tes yeux qui brillent, c’est ton âme toute entière.
Lorsque j’effeuille une camomille blanche, tous les pétales disent : «je t’aime». Par la terre, aux milles oreilles fines, j’entends tes pas venir à moi. Par la mer, aux mille bouches humides, je t’envoie des baisers. Par le feu, aux mille langues fragiles, je réchauffe ton cœur. Par le vent, aux mille doigts sensibles, je caresse ta peau. Dans l’humus des jours et le sol des nuits, mon amour inexorablement se lève et s’accroît comme un arbre. Tous ses fruits sont pour toi.
Je voudrais te parler plus haut que la vie même, tisser pour toi des passerelles de caresses, te rejoindre à jamais dans un ciel hors mesure. Le monde est vide sans toi. J’ai mis douze verres sur la table pour en faire un sourire. J’ai mis deux doigts de glace dans chacun en espérant la mer. J’ai dessiné des racines sur les pattes pour qu’y poussent des fleurs. J’ai mis dans une assiette des lettres d’alphabet en attendant ta voix, des souliers sous une chaise pour qu’elle parte vers toi. Lorsque je t’aime, personne n’est plus moi que moi. Personne n’est plus toi que toi. Personne n’est plus aimée que toi.
Je te bois comme une eau sans défaut nourrissant mes racines. On n’aime jamais assez quand on croit aimer trop. Je ne veux simplement que t’aimer comme tu m’aimes. Mes yeux chantent juste à te regarder. Mes mains jouent de la harpe à caresser ton corps. Les tiges de mes doigts fleurissent en caresses. C’est toi qui les arrose avec l’eau du cœur. Viens contre moi, les bras en koala, tes jambes à mon cou, tes mains un peu partout et les yeux dans les yeux. Je t’aimerai si fort que le ciel aura chaud. Je t’aimerai si bien que la vie sera douce.