L'incohérence de la neige

Publié le par la freniere

Il m’arrive de rêver adossé contre un arbre, lorsque la neige est loin. Aujourd’hui, j’ai besoin de raquettes pour me tenir debout, pour ne pas m’enfoncer. Il ne sert à rien de parler. Les mots deviennent de glace. Même le chant des oiseaux n’est plus qu’un long silence. En dedans, je m’appuie sur des mots qui me réchauffent un peu. Je regarde un oiseau tenir tête au verglas. Le froid se met à grignoter les os. Chaque brin de peau frissonne. Il n’y a plus de repère. L’incohérence de la neige disloque les regards. Il n’y a plus de temps mais la gerçure des secondes. Il n’y a plus d’odeurs. On respire le vide. Le chemin s’efface à mesure que j’avance. La neige tombe drue. Chaque arbre est un ami que l’on a peur de perdre. Même les ombres se cachent au passage du vent. Le soleil est trop loin. On ne peut plus sortir de sa peau. On s’emmitoufle dans sa chair. Il n’y a pas que le désert qui provoque des mirages. Le vent dessine sur la neige des toiles sans couleurs. Un pas, un autre pas. Il faut deux pas pour avancer d’un pas. Aussi loin qu’on regarde, la neige n’a pas de fin. Le sang bat dans mes oreilles. Dans ce corps à corps avec le blanc, je deviens fou de froid. Le temps s’arrête. Les bruits se figent. Un pas, deux pas, il faut trois pas pour avancer d’un seul. Dépouillé de leurs feuilles, les arbres sont mutiques. Lorsque je marche dans le froid, je comprends les autistes. Quelque chose lâche dans les muscles. Le corps se raidit sans retrouver sa force. Je m’ennuie de la musique de l’eau. Il me faudrait un déluge de douceur. Je ne suis plus qu’un bocal pour le froid. Je me perds en moi-même comme une vague dans l’eau, plutôt comme un noyé de glace. Je deviens fou. Je tourne en rond. Il neige dans ma tête. Un pas, trois pas. Il en faut cinq de plus pour me perdre à jamais.

Publié dans Prose

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